The Offence (Sidney Lumet, 1973)

 Poster UK du film The Offence (Sidney Lumet, 1972)

Sean Connery est James Bond pour l'éternité ; l'acteur a également fait quelques pas de côté pour se défaire d'un rôle trop envahissant ; la preuve avec The Offence

Lumet réalise le film un an après Le Gang Anderson, dans lequel jouait déjà Sean Connery. L’origine du film est due la United Artists qui permet à l'acteur, en échange de sa prestation dans Les Diamants sont éternels (Guy Hamilton, 1971), de choisir deux films indépendants dans lesquels il tiendra la vedette ; l'autre étant Macbeth, qui ne se fera finalement pas, coiffé au poteau par la version de Polanski. Dans The Offence, Sir Sean Connery joue Johnson, flic usé par des années d’enquête sur des crimes sordides. Un violeur sévit alors dans une banlieue anglaise, goutte qui fait déborder le vase. Un suspect est trouvé, et l’interrogatoire musclé mené par Johnson aura des conséquences malheureuses.

L’intrigue est minimaliste, mais le portrait psychologique fort : c’est ce qu’on peut dire de cette adaptation d’une pièce de théâtre, dont on commence à voir les origines dans les joutes verbales de la deuxième moitié du film : en huis clos, elles donnent une vision désespérée du travail de la police. À ce titre, Sean Connery joue une rôle ingrat, mais qu’il a voulu comme tel : désirant à tout prix s’éloigner du James Bond sauveur de l’humanité, il incarne avec Johnson un personnage colérique, antipathique et malade (mais conscient de sa condition : ainsi, il demandera souvent "Pouvez-vous m’aider ?") qui n’a rien de séduisant. D’ailleurs, cela semble être le leitmotiv du film entier : des rues grises, pauvres, au bitume mouillé et aux intérieurs indifférenciés, tous semblables à des prisons (l’immeuble de Johnson est bardé de barreaux, ainsi que le commissariat aux longs couloirs identiques), le monde de The Offence est triste et morne.

Sean Connery dans The Offence (Sidney Lumet, 1972)
Sean Connery dans The Offence

Plus encore, le personnage interprété par Sean Connery, bien que faisant partie de la police, n’est jamais identifié comme tel : à la différence des autres, il ne porte pas l’uniforme, mais un grand manteau aux teintes terreuses surmonté d’un col en fourrure, qu’il enlève et remet constamment, et en dessous duquel se trouve un costume simple. Sa mise à l’écart, qui souligne aussi sa différence psychologique latente, est également clairement indiqué lors de la battue visant à retrouver la petite fille victime du violeur : Johnson s’éloigne du groupe, entendant les cris de la fillette. Alors qu’il la découvre, cette dernière lance des cris perçants, qui semblent mettre sur un même plan l’agresseur et Johnson. Dans sa tentative pour la calmer, le policier se rapproche encore plus de la position du violeur : se débattant sur la fillette, étouffant ses cris, l’action crée un moment de flottement pendant lequel on peut se demander si l’agent ne se confond pas avec le criminel. Ce glissement, cette ambiguïté est notable dans le cinéma américain des années 70, durant lesquelles Don Siegel réalise son culte L'Inspecteur Harry (1971). Eastwood interprètera d’ailleurs bien plus tard un rôle similaire dans La Corde raide (1984) de Richard Tuggle, dont l’accroche de l’affiche cinéma -Flic ou violeur ?-, résume bien la chose. La crise des valeurs, le manque de confiance en une figure de l’autorité, secondé par une forte médiatisation de certains affaires policières (L’inspecteur Harry s’inspire sans camouflage du cas du Zodiaque, tueur en série qui sévit encore à l’époque de la sortie du film) trouvent un terreau fertile dans le cinéma paranoïaque de la décennie.

Côté réalisation, Lumet réussit à transformer une pièce de théâtre en vrai film, mettant en avant des idées de mise en scène, notamment ce halo blanc qui apparaît en surimpression durant le générique de début, pour revenir périodiquement. Il peut figurer le phénomène de persistance rétinienne d’un objet indéterminé, phénomène qui permet aussi à l’œil humain de voir un film en mouvement continu. Jean-Baptiste Thoret, critique spécialiste du cinéma américain, présent dans les bonus du DVD made in Wild Side vidéo, parlera de l’objet indéterminé comme étant un projecteur de cinéma, nous rejoignant dans la dimension qu’a le film de parler de lui-même. Ce procédé révèle en tous les cas la posture de cinéaste de Lumet, nous a souvent donné de bons films, jusqu'à son très bon Before the Devil Knows You Are Dead.

Film méconnu, The Offence est en tout les cas atypique, donnant l’occasion à Sean Connery, tout en grosse moustache et sourcils broussailleux, une performance aux antipodes de ses précédents rôles. Dénué d’espoir, le monde du film, ne donnant aucune issue et aucune rédemption possible, rappelle certains films noirs, où la rugosité et la rudesse prime sur tout le reste.

Tourné en avril 1972 pour 1 million de livres, le film sort sur les écrans anglais le 11 janvier 1973. Le succès n'est pas au rendez-vous malgré les bonnes critiques ; pour cette raison, le film n'a pas connu de sortie dans les salles françaises, malgré l'immense popularité de son acteur principal. le public n'était pas prêt à voir James Bond en personne dans un cadre aussi rugueux que celui-ci...

Disponibilité vidéo : DVD zone 2 - éditeur : Wild Side Vidéo. Blu-ray zone B - éditeur : Eureka! (Version originale avec sous-titres anglais uniquement).

Image titre du film The Offence (Sidney Lumet, 1972)

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