She-Wolf of London (Jean Yarbrough, 1946)
Le Loup-garou a connu quelques suites, occasionnant des rencontres avec les autres Universal Monsters, et notamment une belle trilogie : Frankenstein rencontre le loup-garou (Roy William Neill, 1943), La Maison de Frankenstein et La Maison de Dracula (Erle C. Kenton, 1944 et 1945). Après cette série de films survient ce drôle de She-Wolf of London. Universal n'hésite pas, en effet, à l'inclure dans le cycle (voir le coffret Wolfman Legacy, repris par Elephant Films sur notre territoire), et le livre référence en la matière (Universal Horrors, The Studio's Classic Films, 1931-1946 / Tom Weaver, Michael Brunas et John Brunas) lui consacre également un chapitre. Pourtant, il n'est pas permis d'en douter : nous n'avons pas à faire à un film de monstres Universal, malgré la présence du maquilleur Jack Pierce au générique. Mais qu'est-ce c'est que cette histoire ?
Par son titre, une partie de son développement, puis l'appartenance affichée par Universal au cycle Universal Monsters, on pense savoir à quoi s'attendre en regardant le film de Jean Yarbrough, réalisateur qui fréquente régulièrement le domaine de l'horreur et du fantastique. En 1946, il réalise également House of horrors, avec la gueule incroyable de Rondo Hatton, une bande horrifique dans la lignée des petits budgets de la firme comme Le Chat noir (Edgar G. Ulmer, 1934).
Le décorum, une demeure au style gothique, au cœur du foggy London, donne le ton d'un film aux accents psychologiques, dans la droite ligne d'un Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940) ou d'une production Val Lewton comme Angoisse (Jacques Tourneur, 1944). Le personnage à l'air malsain de la gouvernante, joué par Sara Haden, conforte le spectateur quant à cet héritage cinématographique : un secret bien gardé est la clé qui déverrouillera le mystère en temps voulu. Ainsi, au terme d'une série de films pleinement ancré dans le fantastique, où le loup-garou se confronte aux monstre de Frankenstein et à Dracula, She-Wolf of London revient à un cadre plus classique mais certainement plus torturé. À ce titre, la jeune June Lockhart joue parfaitement l'âme tourmentée prête à succomber à l'idée la plus folle : à l'évidence, elle est celle qui se transforme en créature impitoyable à la nuit tombée pour dévorer ses victimes, un enfant ou encore un policier. Une machination se joue là, cela devient de plus en plus certain au fur et à mesure que ce (court) film avance. De plus, des éléments apparemment non contrôlables arrivent à cette jeune fille sur les nerfs : les chiens aboient dès qu'ils la voient ou hurlent à la mort sous ses fenêtres, de nuit. Le phénomène de la lycanthropie est présenté comme un parallèle avec les premiers traitements du Loup-garou, lorsque le scénariste Curt Siodmak laissait en suspens la question de la réalité de la condition du personnage.
La plupart du temps, le film prends les atours d'un drame feutré se jouant à huis-clos dans les pièces richement ornées de la demeure familiale. Lorsque l'on en sort, c'est tout juste pour se rendre au coin de la rue, pour assister (de loin) aux meurtres qui secouent le quartier. L'intrigue policière, présentée dès le début, est entretenue par l'intervention régulière des policiers dans cette grande demeure. L'un d'eux est par ailleurs certain qu'un phénomène fantastique est à l’œuvre. Cette ruse classique et plutôt déceptive qui consiste à faire croire à l'extraordinaire, pour que finalement, la réalité dans sa banalité la plus brute soit mise à nu n'est pas un avantage dans She-Wolf of London : on peut certainement faire ce reproche au film de Jean Yarbrough.
En moins d'une heure, Jean Yarbrough trousse un film soigné sans temps mort, dont la sourde tension en fait un suspense tout à fait honorable. Quant aux maquillages de qualité auxquels les Universal Monsters et le grand Jack Pierce nous ont habitués, on repassera !
Disponibilité vidéo : DVD FR - éditeur : Elephant Films ; Blu-ray US / UK (region free) : Universal Pictures.
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