King Kong (John Guillermin, 1976)
Le film mythique de Schoedsack et Cooper a droit à son premier remake, 40 ans après sa réalisation. Le cinéma américain est dans une décennie de changements qui verra in fine l’avènement des films de divertissement à gros budget. Les films catastrophe ont le vent en poupe, et le succès sans précédent des Dents de la mer donne des ailes au producteur Dino De Laurentiis : King Kong sera son prochain succès.
Dans les années 70, la déferlante des films-catastrophes remplit les salles de cinéma et les poches des producteurs. C’est dans ce contexte-là que Dino De Laurentiis initie un remake du film, et va couper l'herbe sous le pied d'Universal qui avançait sur un projet concurrent. Après avoir essuyé les refus plusieurs cinéastes à succès (Polanski et Peckinpah), De Laurentiis choisit John Guillermin, qui s’est brillamment illustré dans le genre avec Alerte à la bombe (Skyjacked, 1972) et surtout La Tour infernale (1974). Sa réalisation classique, qui sait mêler aventure et action, sied bien au projet. King Kong millésime 76 est un événement : c'est le plus gros budget de l’époque, estimé à 24 millions de dollars. Le film est tourné aux États-Unis, notamment à New-York, puis à Kauai, une île de l’archipel d’Hawaï souvent utilisée au cinéma pour son cadre majestueux et exotique. Au-delà d’un mur de brume, lorsque l’île oubliée apparaît soudain, le souffle de l'aventure est bien là.
L’histoire du film, remise au goût du jour par Lorenzo Semple, Jr. (Les Trois jours du condor, À cause d’un assassinat et la série télévisée Batman de 1966, remplace notamment le tournage d’un film par la recherche d’une réserve de pétrole, tout à fait d’actualité après le premier choc pétrolier de 1973. La jeune fille en détresse (Ann Darrow - Fay Wray dans le film original) est par contre toujours une actrice en herbe, ce qui correspond à la situation de Jessica Lange à l’époque. Modèle, elle souhaite se diriger vers une carrière cinématographique. Pour son premier rôle à l’écran, elle apparaît naïve et superficielle, mais tout à fait désirable : c’était le but recherché. Jeff Bridges joue un premier rôle masculin athlétique tout en cheveux, dont les premiers instants à l’écran dressent un parallèle flagrant avec les manières du grand Kong : titubant après une soirée arrosée et s’agrippant à une corde d’amarrage du bateau, Bridges fait montre d’une agilité décontractée tout à fait simiesque. Bridges est sous le charme de Lange (comme tous les personnages du film, grand singe compris). La dimension sensuelle s’impose ici bien plus que toutes les autres versions cinématographiques. Jessica Lange est magnifiée par les cadrages, la lumière, ainsi que par une garde-robe étonnamment variée. On peut en effet se demander comment, sauvée en pleine mer avec juste une tenue sur elle, elle a réussi à fabriquer sa garde-robe avec de vieilles étoffes de marins…
La jeune Jessica Lange taquinée par Kong |
Le lien entre Kong et Dwan (Lange), aussi incongru puisse-t-il paraître, est plus important que l’histoire de Lange avec Bridge, qui est surtout marquée par les interruptions et l’indécision de Bridges : le désir envers une femme obnubilée par l’apparat et la gloire empêche le personnage plus authentique de Jack Prescott (Bridges) d’être entier face cette beauté dont les sentiments sont pourtant sans équivoque.
James Grodin, qui ne connaît que le cours du pétrole, poursuit avec avidité son rêve de richesse. Une fois celui du pétrole épuisé, il ne réfléchira pas bien longtemps à la manne que pourrait lui apporter la tenue d’un spectacle avec le grand singe ; une idée tout aussi rassurante que celle de John Hammond et son Jurassic Park dont sont coutumiers les dangereux mégalomanes de cinéma… « Vive Kong ! Vive Petrox ! », scandera-t-il, extatique, à l’arrivée théâtrale de Kong, dissimulé sous une pompe à essence géante griffée du logo de la firme qui l’emploie.
Reste l’épineuse question des effets spéciaux dans un film construit autour de l’apparition d’un singe gigantesque qui s’éprend d’une jeune fille et va dévaster New York une fois ramené sur le continent. Le plus important budget de l’époque ne peut pas grand-chose contre l’impression de voir un homme dans un costume… C'est Rick Baker, créateur du costume et futur grand monsieur du maquillage (Le Loup-garou de Londres, Men In Black, Wolfman) qui se cache en dessous. Seule l’utilisation (parcimonieuse car à priori pas totalement opérationnelle) de l’animatronique créée par Carlo Rambaldi pour les mouvements des bras et de la main de Kong distille de rares moments de poésie, où l’on peut croire à cette incroyable fable.
Aujourd’hui mésestimé, le film reste pour sa charge érotique flagrante, et peut constituer un moment de cinéma tout à fait agréable selon la tolérance qu’on peut avoir par rapport à ses défauts manifestes. Il faut souligner la partition magnifique de John Barry qui donne du souffle et de la majesté à King Kong. Le public de l’époque a répondu présent (90 millions de dollars de recettes tout de même, 4 millions d'entrées en France), y compris lors de sa diffusion à la télé US 2 ans plus tard, dans une version rallongée, étalée sur deux soirées (version incluse dans l’édition Blu-ray + Blu-ray UHD 4K sortie chez StudioCanal en 2022). Ne manquez pas le commentaire audio de Ray Morton, spécialiste de l'histoire mouvementée de Kong au cinéma ; le maquilleur Rick Baker raconte ses anecdotes sur une autre piste dédiée.
Disponibilité vidéo : Blu-ray / UHD 4K - éditeur : StudioCanal
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