The Sorcerers (Michael Reeves, 1967)

Affiche du film La Créature invisible (The Sorcerers, Michael Reeves, 1967)

On connaît surtout Michael Reeves, réalisateur britannique disparu prématurément d'une overdose à 25 ans, pour son tétanisant Le Grand Inquisiteur, qu'hantait un Vincent Price cruel comme un diable. Son esthétique de la douleur -sang, larmes et cris y composent un tableau intégralement noir de l'être humain- a marqué durablement ceux qui l'ont découvert, à l'époque comme aujourd'hui.

The Sorcerers (connu en France sous le titre La Créature invisible) est son film précédent. Sa thématique est aussi étrange qu'intéressante : un couple de personnes âgées, le professeur Montserrat et sa femme -Boris Karloff et Catherine Lacey-, ont mis au point un dispositif permettant de prendre le contrôle d'un être humain à distance, et d'en éprouver toutes les sensations. Alors que le professeur a dans l'idée que cette technologie vienne aider ceux qui n'ont plus la possibilité de jouir de la vie, sa femme va vite lui trouver une autre utilité...

Vieux, fatigués par la vie, les deux personnages n'en ont pas moins un cerveau en parfait état de marche ; ils se rendent compte de ce qu'ils ont perdu et rêvent d'une seconde jeunesse. Une quête insensée et contre-nature, qui va les mener aux pires excès. Le tableau est chargé, certes, contre la génération des plus âgés, en bute avec la société du loisir et du plaisir qui prend son essor en cette fin des années 60. Le couple, seul dans son petit appartement terne, est opposé à la foule de jeunes qui peuplent les bars remplis de musique, d'alcool et d'amour libéré. En même temps que le plaisir que procure la prise de contrôle d'un individu à distance, on voit rapidement la tonalité revancharde de ces actions, le plus jouissif des plaisirs étant visiblement pour la vieille femme le vol et le meurtre. Revanche d'un âge qui n'a pas pu profiter de la vie comme la jeune génération le fait. Les premières séquences montrent cependant des plaisirs simples bien retranscrits : la sensation d'être immergé dans l'eau d'une piscine, le frisson de la vitesse à bord d'une moto lancée à toute blinde... Ce seront les premières marches d'une escalade où les vieux, embrumés par la force de leur nouveau pouvoir, voudront toujours plus.

Boris Karloff et Catherine Lacey dans La Créature invisible (The Sorcerers, Michael Reeves, 1967)
Boris Karloff, Catherine Lacey
 

Il est aussi intéressant de voir que celui que le le couple choisit est en rupture avec la jeunesse en général : alors que les autres répètent sans cesse les mêmes rituels (bar, musique et alcool), Mike (Ian Ogilvy) veut plus. Il aspire à quelque chose d'inédit, de différent. C'est ce qui le précipitera dans l'abîme. À l'époque, ce ressort scénaristique est une vraie mode, car on le verra notamment répété à l'identique lors d'un énième Dracula de la Hammer, Dracula 73 (Alan Gibson, 1972). Michael Reeves réalise d'ailleurs The Sorcerers pour la Tigon, modeste studio concurrent. 

Si le thème est intéressant -notamment parce que le réalisateur incarne cette jeune génération vouée aux plaisirs-, sa déclinaison en film n'est pas des plus heureuse ici, tant un court-métrage aura pu suffire à développer la même idée. Des temps morts ponctuent ainsi le récit, notamment les séquences du bar et ses chansons. Les pulsions de violence qui jaillissent dans le film sont par contre bien amenées et dynamiques, à base de plans mobiles très rapides, aux raccords travaillés. On retiendra aussi la séquence d'hypnose, aux projections colorées psychédéliques, accompagnées d'une musique expérimentale à l'air d'un happening contemporain. Les acteurs sont également tous excellents, Karloff et Lacey en tête, très viscéraux. Le jeune homme victime, Ian Ogilvy, a la mélancolie charismatique qui sied au rôle (il jouera aussi dans Le Grand inquisiteur

Si on compte les points, il y a du bon et du moins bon. L'idée est bonne, l'application l'est moins. Mais Michael Reeves a la bonne intention de s'accrocher à ses personnages, troussant en plus  un très bon casting. Un film un peu long, mais un bon instantané de l'époque, à prendre comme une bonne expérimentation anglaise malgré son petit budget.

Disponibilité vidéo : Blu-ray allemand zone B (version anglaise sans sous-titres français) - éditeur : Anolis

image titre du film The Sorcerers (Michael Reeves, 1967)

 


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