Belladonna (Eiichi Yamamoto, 1973)
Jeanne, abusée par le seigneur de son village, pactise avec le Diable dans l'espoir d'obtenir vengeance. Métamorphosée par cette alliance, elle se réfugie dans une étrange vallée, la Belladonna…
Voici un film animé japonais mêlant romantisme torturé, supplices de toutes sortes, une orgie d'anthologie mais aussi des visuels magnifiques, entre art nouveau et trip musical sous acide, rappelant Yellow Submarine ou préfigurant The Wall. Avouez que cela aiguise l'appétit du cinéphile.
Belladonna (ou La Belladone de la tristesse, traduction littérale du titre original Kanashimi no Beradonna) est donc, dès le départ, pensé comme un film pour adultes ; il s'agit du troisième opus d'un cycle initié par le pape du manga, Osamu Tezuka, nommé Animerama. Il s'agit d'une anthologie du cinéma érotique en animation ; les deux précédents films étant Les Mille et une nuits (1969) et Cléopâtre (1970), tous sortis en vidéo chez Eurozoom -et aujourd'hui épuisés. Le concept ne marcha jamais vraiment, mais la singularité de Belladonna réside dans les sources d'inspirations du réalisateur, moyenâgeuse et européenne. L'héroïne, Jeanne, ressemble ainsi à une égérie-type des années 60 comme Catherine Deneuve.
Les contraintes de production obligent Yamamoto à tourner la moitié du film en image fixe, ce qui donne une drôle de sensation ; celle de regarder un roman-photo complètement fou. Lorsque l'animation se montre, elle est brutale, choquante même, pour ceux qui ne seraient pas familiers avec les films d'exploitation japonais de la période, comme La Femme Scorpion (Shun'ya Itō, 1972), ou Sex and Fury (Norifumi Suzuki, 1973). Une imagerie sexuelle totalement débridée s'étale sur l'écran : pénis qui parle, zoophilie, viols, tout un catalogue de perversions dans lequel Jeanne se transformera peu à peu en celle que les hommes surnomme la Sorcière (c'est aussi le titre du livre-scandale de Jules Michelet, adapté ici).
Voir Belladonna, c'est être projeté dans un autre temps, dont la charge punk et féministe ne s'est pas émoussée. C'est une véritable curiosité : il serait insensé de passer à côté. Cerise sur le gâteau, sachez que nul autre que l'immense Tatsuya Nakadai (Yojimbo, Hara-Kiri, Kagemusha, Ran...) assure la voix ténébreuse du diable avec lequel pactise la belle Jeanne...
Disponibilité vidéo : DVD / Blu-ray FR - éditeur : Eurozoom (épuisé).
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