Nightfall / Poursuites dans la nuit (Jacques Tourneur, 1957)

 

Affiche du film Poursuites dans la nuit (Nightfall, Jacques Tourneur, 1957)

Nightfall, produit à la fin de la longue traîne du film noir (les derniers avatars classiques en seront l'excellent Sueurs Froides (Vertigo) d'Hitchcock, et Traquenard (Party Girl) de Nicolas Ray en 1958, déjà un brin "mutants"), possède un certain nombre de singularités qui permettent de le démarquer d'un ensemble à la fois vague -le film noir est plus un esprit, une sensibilité- que parfaitement étudié.

La principale singularité est ici d'alterner des séquences empreintes d'un bonheur palpable, et d'autres tragiques. Ainsi, la rencontre entre James Vanning (Aldo Ray) et Marie Garner (la jeune Anne Bancroft), sous le coup de l'imprévu, fait basculer le moral de l'homme du côté lumineux, pour un dîner qu'il était loin d'espérer. Quelques minutes plus tôt, on l'avait vu presque sursauter à l'éclairage des luminaires d'un kiosque à journaux, caractérisant un homme aux aguets, fatigué. Le collage de ces deux scènes successives montre à la fois l'instabilité de l'homme et son aspiration au bon, à la vie normale. 

Plus loin, alors que Vanning fuit avec Mary deux brutes qui veulent remettre la main sur le fruit de leur braquage, une très belle scène apparaît, soleil dans la nuit : voyageant en car sur une longue distance, le couple se réveille, le regard plein du bonheur de retrouver l'être aimé après une nuit agitée. Et le film de faire se succéder des scènes dures et typiques du film noir (passage à tabac du personnage principal, séquestration) et d'autres qui sont leur paradoxe parfait. 

Le personnage de Mary, contrairement à l'archétype du film noir, n'est pas une intrigante qui veille à assouvir un intérêt personnel ; c'est un personnage lumineux -elle est mannequin pour une boutique de prêt-à-porter- qui ne manigance pas ; et ce, même si une des premières scènes du film sème le doute sur ses motivations.

 
Rudy Bond et Aldo Ray dans le film Nightfall (Jacques Tourneur, 1957)
Rudy Bond et Aldo Ray


Une autre différence de Nighfall par rapport à l'ambiance de beaucoup de films noirs, est de situer une grande partie de son intrigue à la campagne en hiver, alors que le film noir s'épanouit d'habitude dans un univers urbain et sombre. Ici, le drame se déroule en plein air, dans de magnifiques paysages près du lac Tahoe, à la frontière du Nevada et de la Californie. 

C'est là, alors que deux amis sont en train de pêcher et viennent secourir les passagers d'une voiture accidentée, qu'ils sont menacés par les rescapés. les deux extrêmes (une scène joyeuse devient un drame) se télescopent dans cette scène. La découpe narrative -la scène est racontée en flash-back- ajoute encore à l'équilibrisme constant qui se joue dans le film.

Mais alors, Nightfall est-il variablement noir ? Le personnage principal est bien pris dans un engrenage infernal à partir d'une situation que le hasard lui soumet ; engrenage magnifiquement illustré par les mouvements de gigantesques appareils vers lesquels les bandits tabassent leur victime, typique également du film noir. La poursuite et la résolution de l'intrigue, jonchée de coïncidences malheureuses, insiste également sur une trajectoire descendante caractéristique du noir. Le film est d'ailleurs adapté d'un livre de David Goodis, un grand nom du roman noir : Les Passagers de la nuit (Dark Passage), avec Bogart et Bacall, est également adapté d'un de ses récits.

Pour autant, le film n'est pas majeur dans la carrière de Tourneur, qui s'est mieux illustrée dans son cycle de films d'angoisses pour la RKO dans les années 40 (La Féline, Vaudou, L'Homme-léopard et Angoisse). Poursuites dans la nuit sort d'ailleurs la même année que Rendez-vous avec la peur (Night of the Demon), également d'un autre calibre. L'ensemble de ses singularités fait que Nightfall reste notable aujourd'hui.

Disponibilité vidéo : Blu-ray / DVD FR - éditeur : Rimini éditions

Image titre du film Poursuites dans la nuit (Nightfall, Jacques Tourneur, 1957)


Commentaires