L'Antéchrist (Alberto De Martino, 1974)

Carla Gravina et Mel Ferrer dans L'Antéchrist (Alberto De Martino, 1974)

Rapidement après le succès planétaire de L'Exorciste (William Friedkin, 1973), une vague de copies voit le jour, dont L'Antéchrist, une des plus correctes. L'éditeur Le Chat qui fume nous l'a proposé en 2016 dans une très belle édition DVD non-censurée. L'occasion de découvrir cette rareté en vidéo.

Doit-on s'attendre à se faire servir la même histoire que celle de L'Exorciste, celle d'une jeune personne qui, sous l'emprise d'une entité démoniaque, sème la terreur sur son passage ?
Bien sûr, c'est même toute la fonction du film. Alberto De Martino enchaînera au fil de sa carrière des films de genres variés, s'approchant à chaque fois des succès de l'époque : westerns, péplum, films d'horreur... Quelques années après L'Antéchrist, il réalisera notamment Holocauste 2000, inspiré par La Malédiction (Richard Donner, 1976).

On retrouve donc une personne possédée (Ippolita Orderisi, une jeune femme cette fois, interprétée par Carla Gravina), les grossièretés lâchées sous le coup de la possession, du vomi verdâtre, les tentatives d'exorcisme, les crimes induits par la présence maléfique. Pour autant, ces passages obligés sont correctement intégrés au récit, assortis d'une photographie (signée Joe D'Amato) très soignée.

Pour autant, le film sait faire preuve d'originalité, une originalité qui reste en mémoire lorsque le film se termine. L'Antéchrist débute par une séquence où une foule en transe vient adorer la statue d'une madone dans l'espoir de guérir de leurs maux. On y fait connaissance d'Ippolita, en fauteuil, que son entourage a certainement convaincu de venir. Certes, la séquence renvoie au passage irakien marquant le début de L'Exorciste, mais elle a le mérite d'être bien emballée. Les suites officielles du film séminal de Friedkin n'hésiteront pas à en reprendre le principe (voir L'Exorciste II : l'hérétique).

L'Antéchrist (Alberto De MArtino, 1974) - lobby card australienne
lobby card pour la sortie australienne du film

Dans la grande tradition italienne de la copie, L'Antéchrist entend aller plus loin que son modèle dans la transgression. Le comportement d'Ippolita est dès lors très limite, notamment lorsqu'elle drague avec insistance  un tout jeune homme lors d'une visite du Colisée. Le pauvre subira rapidement un sort fatal, avec à la clé le fameux effet de tête retournée qui marqua les esprits en 1973. Par la suite, une relation incestueuse est plus que sous-entendue, avec Felippo, le frère d'Ippolita.

La surenchère ne s'arrête pas là : lors d'un rêve, Ippolita est transportée dans des temps anciens, pour une scène de sabbat particulièrement corsée qui se révèle être le clou du film. La scène se déroule dans un bois au crépuscule, où une foule s'active dans une orgie d'anthologie.

Les décors de Rome trouvent bien leur place au sein de l'intrigue, et sont très bien mis en valeur par des cadres larges et des mouvements amples. Les intérieurs ne sont pas en reste : la riche demeure des Orderisi montre notamment un couloir aux têtes sculptées totalement baroques. 

Comme souvent dans les films d'exploitation italienne de la période, on note la présence d'un ancien acteur de l'âge d'or d'Hollywood, venu s'encanailler en Europe pour sa fin de carrière, comme le dit justement Christophe Gans dans les bons bonus de l'édition DVD. Il tourne notamment une scène de nu avec la sulfureuse Anita Strindberg (Le Venin de la peur, La Queue du scorpion, Qui l'a vue mourir ? ou encore Tropique du cancer, un film étrange et rare édité là encore par Le Chat qui fume en France). On y croise également, dans un rôle secondaire, Alida Valli (Senso, Les Yeux sans visage, Suspiria).

Les bonus de l'édition DVD permettent de mieux saisir le contexte de production du film, d'approfondir la carrière de Alberto De Martino et la vague des copies de l'Exorciste. David Didelot livre une présentation bourrée d'informations, éclairant par exemple la réception critique et publique, ou encore l'exploitation vidéo du titre. Il nous apprend notamment que le film a été exploité sous deux autres titres : La Semence du diable ou encore Baiser de Satan. La longue présentation du réalisateur Christophe Gans nous régale aussi par son érudition qui marie l'évocation de la carrière du réalisateur avec des considérations esthétiques toujours justes.

Disponibilité vidéo : DVD zone 2 (épuisé) - éditeur : Le Chat qui fume

D'autres avis sur le film :

L'Antéchrist (Alberto De Martino, 1974) - title still

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