La Forêt pétrifiée (Archie Mayo, 1936)
Parfois, rien que le titre du film vous donne envie de le visionner. Quelque chose de poétique se cache sous cette forêt pétrifiée. La note d'intention du film est lancée : il s'agira d'un métrage à haute teneur littéraire.
L'auberge dans laquelle se passe le film abrite donc quelques personnages pittoresques aux tempéraments destinés à s'entrechoquer, comme un joueur de football grassouillet, un vieux pilier de bar qui cuve son whisky, une jeune fille qui aide son père à faire le service, ou encore une cuisinière un peu enrobée. Là-dessus, l'arrivée de deux personnages supplémentaires va révéler la troupe pré-existante : un intellectuel fauché et philosophe (Leslie Howard), puis un repris de justice qui met la région à feu et à sang (Humphrey Bogart).
Le film est adapté d'une pièce de théâtre, dans laquelle s'affrontaient déjà Leslie Howard et Humphrey Bogart, et ne cherche pas à s'en cacher. L'intrigue se passe quasi-intégralement dans un vieille taverne perdue au milieu du désert, confinant les acteurs dans un lieu exiguë. Les rares extérieurs amplifieront cette idée en faisant paraître des décors peints dont l'artificialité est voulue. Et, alors que l'intrigue semble parfois aller vers l'extérieur (l'intellectuel Alan Squier veut poursuivre sa route solitaire sans entendre la déclaration d'amour de Gabrielle - Bette Davis -), les événements ne cessent de les ramener au point de départ.
Un élément paraît essentiel ici, la radio. Elle est le lien entre les protagonistes et le reste du monde, comme on peut le voir dans d'autres huis-clos, et permet de présenter le personnage de Bogart bien avant qu'il ne rentre en scène, et ce même si aucun des personnages ne l'a encore vu. La radio permet aussi de révéler le caractère de chacun, la façon dont ils réagissent aux annonces en disant beaucoup. Ainsi, le vieux soiffard est ravivé par les méfaits de Duke Mantee, alors que le reste de la troupe se terre dans la peur.
Il est cependant étonnant que ce film trouve sa place dans la catégorie, bien qu'aux frontières floues, du film noir. En effet, une grande partie du métrage est dévolue aux atermoiements amoureux provoqués par Gabrielle. D'abord courtisée sans mystère par le footballeur, amoureux d'elle depuis toujours, elle trouve bien plus à son goût ce philosophe mystérieux au verbe si raffiné. Le triangle amoureux occupe alors une grande partie de la scène. Ici, point de rue sombre au bitume mouillé par une pluie diluvienne, pas de femme fatale, pas d'enquête policière, mais un gangster, qui semble résumer à lui seul la préfiguration de ce que sera le film noir. Bogart compose un personnage rentré, peu loquace, dont la réputation de tueur ne pourra d'ailleurs se vérifier à l'écran. L'intensité de son regard, lorsqu'il est enfin cadré en gros plan, ne fait pas de doute : ce gars-là est déjà une star, ce que les dirigeants de la Warner ont bien compris ; l'immense Faucon maltais sortira cinq ans plus tard et mettra pleinement en lumière Bogart dans un premier rôle.
Le film est bavard, mais qu'importe : la confrontation entre les sensibilités des deux acteurs (c'est Leslie Howard, alors en position de force à la Warner, qui imposa Bogart dans le rôle aux exécutifs du studio), cette poésie quasi-surréaliste qui baigne le film, vaut la peine qu'on s'y attarde, ce qui ne fait pas de La forêt pétrifiée un chef-d’œuvre pour autant.
Disponibilité vidéo : DVD zone 2 - éditeur Warner France.
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