Armored Car Robbery (Richard Fleischer, 1950)

Armored Car Robbery (Richard Fleischer, 1950) film poster

Dans la grande nébuleuse du film noir, le caper-movie, ou film de hold-up, occupe une part non négligeable et très caractéristique du genre. Son mètre-étalon, Quand la ville dort, que John Huston réalise en 1950, sort la même année que Armored Car Robbery, modeste série B produite par RKO. Sa faible durée (une heure et sept minutes au compteur), induite par ces conditions de production, en font un récit resserré, où chaque bloc scénaristique vient s’enchâsser dans le précédent avec une vitesse hallucinante. 

Comme le sous-entend la première séquence, où Martin Bell, le futur cerveau du délit, chronomètre le temps de réaction de la police face à une (fausse) alerte de hold-up, le film relève le défi d’un véritable contre-la-montre.

Le film prend donc le cliché du crime parfait cher à Hitchcock, préparé par le cerveau qui doit néanmoins déléguer et par là, laisser une part de responsabilité lui échapper. Bell,  génie du hold-up, est admirablement croqué par le biais de son obsession quasi-robotique à ne laisser aucune trace derrière lui, mémorisant tout, devenant une sorte de fantôme sans identité. Son véritable nom, Dave Purvis, révélera au spectateur une facette de son passé : finalement, on laisse toujours une trace, quelle qu’elle soit. C’est évidemment par là, son talon d’Achille, que l’affaire s’écroulera, car, comme chacun le sait, le crime ne paie pas...

Embrassant totalement les clichés du genre, Armored Car Robbery se démarque pourtant par quelques belles trouvailles : la femme d’un des pions du cerveau et aussi la maîtresse du fameux Bell, induisant un rapport de force très particulier entre les deux hommes, et un dernier tête-à-tête vraiment poignant. L’autre originalité qui nous a sauté aux yeux est l’insistance, lors des différents trajets du gang, sur les lourds ensembles mécaniques qui bordent les routes, emmenant dans un mouvement de balancier leur lourde structure. Il y a là-dedans une visualisation du phénomène immuable d’action / réaction, après que l’acte criminel les a conduit sur la route du délit. Les moyeux si imposants figurent également le rouleau compresseur qui écrasent les personnages du poids de la fatalité, inéluctable. La police enquête et se retrouvent rapidement beaucoup plus proches des criminels qu’ils l’auraient souhaité.

Dernière originalité du traitement, l’affaire est mise en regard autant par le comportement des gangsters que des policiers qui les pourchassent. Le temps semblent divisé en deux entre l’espace des bandits et des représentants de l’ordre, qui se livrent à une course poursuite haletante. Surprise, c’est pour un des membres du gang que le spectateur aura le plus de compassion...

Sous ses airs de petite production sans envergure, Armored Car Robbery est un très beau film noir qui annonce L’Ultime Razzia de Stanley Kubrick, réalisé en 1956 ; la séquence finale, dans un aéroport, est d'ailleurs étrangement similaire au dénouement du Kubrick, notamment son dernier plan.

Disponibilité vidéo : DVD zone 2 autrefois édité par les éditions Montparnasse (uniquement au sein du coffret Richard Fleischer), aujourd'hui épuisé. Peut-être dans la médiathèque de votre commune ?


Armored Car Robbery (Richard Fleischer, 1950) title screen

 

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