Spider Baby (Jack Hill, 1967)
Que voilà un film atypique ! Pour une somme modique (environ 65 000 dollars), le réalisateur Jack Hill trousse avec Spider Baby une comédie d'horreur en forme de macabre train fantôme, sur laquelle plane constamment une ombre envahissante : celle de l'étrangeté la plus perturbante.
Deux jeunes filles vivent dans un pavillon délabré, à l'écart de la ville ; leur tuteur (Lon Chaney Jr., dont les larmes sont ici plus dues à son alcoolisme latent qu'à l'émotion ressentie) veille sur elles, ainsi que sur leur frère, un homme simple d'esprit (joué par Sid Haig, dont on retrouvera la trogne dans une foultitude de séries TV et chez Rob Zombie). Victimes d'une maladie dégénérative, ils régressent jusqu'au stade animal... quand d'autres membres de leur famille débarquent chez eux.
Le décalage entre les règles de société et de bien-être et la réalité fait ici beaucoup penser à La famille Addams, tant tout se qui y est habituellement horrible est valorisé. La petite famille vit en huis-clos, livrée à elle-même, sans véritable référent, si ce n'est Lon Chaney Jr., l'ancien gardien de la maison, qui n'a qu'un mot à la bouche ; la promesse qu'il a faite aux parents des enfants de s'en occuper. Mais si l'intention est louable, la réalisation de cette promesse est tout bonnement impossible.
Avec ces déments en liberté, confrontés à des ressortissants du monde "civilisé", la situation ne peut que dégénérer. La scène du repas, où les convives dégustent la carcasse d'un chat en pensant que c'est du lapin, préfigure à son petit niveau celle de Massacre à la tronçonneuse, tourné quelques années plus tard par Tobe Hooper. On se sent également proche de petites productions astucieuses tournées à la même époque : par exemple La Nuit de tous les mystères (House on Haunted Hill, William Castle, 1959), avec Vincent Price et Carol Ohmart. On retrouve d'ailleurs Carol Ohmart dans Spider Baby, où elle joue de son physique renversant (engagée par la Paramount, elle était une des nombreuses filles à vouloir détrôner Marylin Monroe). Son personnage frivole, agitant des voiles et admirant son soutien-gorge noir dans la glace, donne à voir une séquence très typée "exploitation" qui a dû ravir les amateurs à la fin des années 60.
S'il est tourné en 1964, Spider Baby ne sortira que fin 1967. Parmi les film fauchés mais puissants des années 60, on le rapprochera également de l'incroyable Carnival of Souls (Herk Harvey, 1962), film unique empreint d'une atmosphère encore plus fantastique. Spider Baby est, de même, un film-météore montrant un microcosme de gens fous à lier (le petit tour à la cave donne un bon aperçu du délire), qui a la puissance suffisante pour faire éprouver au spectateur la même bizarrerie, la même étrangeté que celle que vivent les personnages : plutôt déstabilisant. L'innocence des petites filles, combinée à l'horreur évidente de leurs actions produit un résultat implacable. Dans le même temps, le film repose sur une bande son à base de ritournelles d'enfants entonnées par la voix grasse de Sid Haig. ; comme si tout ça n'était qu'un joyeux bordel qui ne se prend évidemment jamais au sérieux (même sur la fin, avec un drôle de point d'interrogation qui semblait appeler une suite).
Découvrir aujourd'hui Spider Baby
nous fait entrevoir avec évidence son importance, notamment par le
poids de son héritage : les films labyrinthiques de David Lynch en forme d'énigme, le
cinéma fantastique espagnol des années 2000 ne sont qu'une partie des
œuvres qui ont pu être influencé par ce film-ovni qu'est Spider Baby.
Disponibilité vidéo : DVD zone 2 FR - éditeur : Wild Side Vidéo
Commentaires
Enregistrer un commentaire