Woman on the Run / Dans l'ombre de San Francisco (Norman Foster, 1950)
Woman on the Run, devenu Dans l'ombre de San Francisco lors de sa sortie en salles françaises, est un petit classique du film noir ; il brille par une facture visuelle de premier ordre, qui rappelle les composition et les raccords vus chez Orson Welles. Le grand chef opérateur Hal Mohr est également de la partie, avec à son actif de grands films de l'âge d'or d'Hollywood, tels Le Chanteur de Jazz (Alan Crosland, 1927), Capitaine Blood (Michael Curtiz, 1935), ou L'Ange des maudits (Fritz Lang, 1953). La maîtrise de l'équipe technique, ainsi que les dialogues percutants vraisemblablement réécrits au jour le jour par Norman Foster et Alan Campbell, animés par un très bon duo d'acteurs (Ann Sheridan, un peu sur le retour en 1950, et Dennis O'Keefe, qu'on avait remarqué dans les deux polars de Anthony Mann, La Brigade du suicide et Marché de brutes), scelle la grande qualité du film ; qualité passée en grande partie inaperçue pendant l'exploitation du film en salles, puis qui a sûrement causé son invisibilité pendant les quelques décennies qui suivirent.
Woman on the Run débute par un règlement de comptes dans une voiture ; un homme meurt, un promeneur du soir, Frank, assiste à toute la scène et voit distinctement le tueur. Lorsque la police lui assigne le statut de témoin, Frank s'enfuit, craignant pour sa vie. il est le Man on the Run du récit initial. Son histoire d'amour avec Eleanor, sa femme, s'est totalement délitée avec les années. Mais, lorsque Eleanor apprend que son mari peut mourir faute d'une prise de médicament (il lui a caché être cardiaque), elle va se mettre à sa recherche, acoquinée avec un journaliste visiblement intéressé par le scoop. Man on the Run est ainsi devenu Woman on the Run.
Une des force du film est d'ajouter à la course contre la mort une dimension presque romantique, par laquelle une femme redécouvre le mari qu'elle avait délaissé. Il était peintre, elle se surprend à le trouver poète (par l'entremise de la belle énigme qu'il lui laisse pour lui permettre de le retrouver). Elle le pensait dépassionné, il est en vérité autant amoureux d'elle que dans leurs primes années. Les dialogues et les acteurs, Ann Sheridan en tête, ironique et piquante, font le reste.
La narration, durant les 75 minutes du métrage, part sur les chapeaux de roues et déjoue toutes les attentes en dévoilant une des clés principales de son intrigue au bout de la première demi-heure. La tension, ainsi déplacée, n'en est que plus prégnante. Puis, dans un final plein de cris, de vitesse et de folie, tout vole en éclats, au son des coups de feu et d'une fête foraine tonitruante.
Retrouvée puis sauvegardée in extremis par un Eddie Muller bien inspiré (la réserve d'Universal qui abritait entre autres la seule copie existante du film partit en fumée quelques semaines plus tard), l'on peut aujourd'hui redécouvrir cette œuvre dans un confort inespéré. Et, même sans son parcours aussi rocambolesque qu'un scénario de film, Woman on the Run restera désormais comme un vrai, un bon film noir.
Disponibilité vidéo : Blu-ray / DVD - éditeur : Elephant Films
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