Dans les griffes de la momie (John Gilling, 1967)



Encore une momie ? Hé oui ! Hammer Film continue la saga avec un troisième film, qui intervient après La Malédiction des pharaons de Terence Fisher (1959) et Les Maléfices de la momie (Michael Carreras, 1964), déjà moins inspiré. John Gilling, un des grands réalisateurs à avoir œuvré à la Hammer, est aux commandes.

Le réalisateur n’aura pas ménagé ses efforts à l’époque pour le studio britannique : il tourne en 1965 deux films à la suite, L’Invasion des morts-vivants (The Plague of the Zombies), entre fin juillet et début septembre ; puis, une semaine après la fin de tournage, il rempile avec La Femme reptile (The Reptile), jusqu’au 22 octobre. Une année après, quasiment jour pour jour, il tourne Dans les griffes de la momie (The Mummy’s Shroud, traduction littérale : Le linceul de la momie). Le film est marquant dans la carrière de Gilling : il s’agit de son dernier film pour la firme indépendante, ainsi que le tout dernier film tourné en intégralité aux studios de Bray, qui ont accueillis les tournages Hammer depuis 1951. Les besoins du studio étaient devenus trop important pour le domaine.

André Morell Dans les griffes de la momie / The Mummy's Shroud (John Gilling, 1967)
André Morell

Après un prologue qui relate la rivalité entre deux frères et ses conséquences sanglantes dans l'Égypte antique, l’histoire se déroule en 1920. Une équipe d’archéologues, menée par Sir Basil Warden (le solide André Morell) et commanditée par un mécène hautain et avide d’honneurs, Stanley Preston, (John Phillips), entreprend de trouver le tombeau du pharaon Kah-to-Bey. La momie du titre n’est pas celle du souverain mais plutôt celle de son fidèle garde du corps, Prem (interprété par Dickie Owen, nul autre que l’acteur qui prêtait son imposante carrure au monstre des Maléfices de la momie en 1964), qui accompagne son roi jusqu’au dernier souffle. Réveillée, la momie se vengera, comme le veut la malédiction, de celles et ceux qui ont osés profaner le tombeau du noble Égyptien.

Rien de bien original dans ce résumé ; on notera tout de même la particularité de l’identité de la momie, qui s’éloigne des opus précédents et donne finalement à l’histoire une finalité différente. La momie se venge au nom de son maître, dans une violence, certes hors-champ, parfois corsée.

Certains personnages sont engoncés dans des postures caricaturales, notamment Stanley Preston, qui traite tout un chacun comme son serviteur, et Longbarrow, son homme à tout faire un brin obséquieux. C’est le régulier Michael Ripper, le second rôle le plus connu de la Hammer, qui tient ce rôle bien plus consistant qu’à l’accoutumée ; qu’il est agréable de voir cet acteur accéder enfin à un rôle digne de ce nom ! Il s’agit là du rôle favori de l’acteur. Elizabeth Sellars, qui incarne la femme de Preston, a le style d’une Joan Fontaine. Elle aura joué dans le tout premier film Hammer tourné à Bray, Cloudburst (Francis Searle, 1951), et Dans les griffes de la momie, le dernier. Son rôle le plus emblématique reste celui de Jerry Dawes dans La Comtesse aux pieds nus (Joseph L. Mankiewicz, 1954).

David Buck et Maggie Kimberley dans Dans les griffes de la momie / The Mummy's Shroud (John Gilling, 1967)
David Buck et Maggie Kimberley

On remarque aussi Maggie Kimberley, bien trop apprêtée dans le rôle de Claire. Pour autant, son personnage ne manque pas d'intérêt, car, comme Anna Franklin dans La Femme reptile, elle a un don de prémonition, visualisant la destinée qui va s’abattre sur ses congénères et sur elle-même. Anthony Hinds, scénariste-clé à la Hammer, a initié le scénario pour The Mummy’s Shroud comme pour La Femme reptile, même si pour Dans les griffes…, le scénario fut ensuite repris par John Gilling. Peut-être que la caractéristique de Claire faisait partie des éléments créés par Hinds (ici dissimulé sous son pseudonyme habituel, John Elder) ?

Pour autant, difficile de ne pas circonspect devant cette variation qui ne fait pas preuve d’une grande rigueur. Par exemple, comment expliquer cette circonvolution du scénario (majoritairement hors-champ) dans laquelle Sir Warden est interné dans un asile ? Le teint de ce dernier varie d’ailleurs d'un plan à l'autre, dans la même scène ; différence particulièrement visible lors de l’exploration de la caverne où est finalement mise au jour le tombeau de Kah-To-Bey.

L’intervention d’une voyante dans le récit (aux pouvoirs psychiques bien réels : elle espionne les archéologues dans sa boule de cristal qui diffuse des images aussi précises qu'un poste de télévision !) sera réutilisée dans La Momie sanglante, le dernier film du cycle Momies de la Hammer, ceci dit dans une version moins extravagante. Ici, on assiste à une des facilités de scénario les plus embarrassantes. Mais ce n’est pas tout : l’inspecteur Barrani (Richard Warner) est aussi incohérent, quand durant les trois quarts du film, il oblige les participants de l’expédition à rester sur le sol égyptien pour leur poser des questions qui n’arriveront jamais ; puis, au troisième mort (!), les exhortera à partir séance tenante.

Dans cet océan de défauts, il faut tout de même souligner la partition très réussie de Don Banks, compositeur Australien qui créera d’autres bandes originales pour des films de John Gilling à la Hammer : La Femme reptile (1966) et Le Rebelle de Kandahar (1967). L'attraction principale du film, alias la momie, et son costume, réalisé par Roy Ashton, rendent plutôt bien.

Dans les griffes de la momie / The Mummy's Shroud (John Gilling, 1967) lobby card
lobby card américaine

Le film obtient un budget de 134 000 livres, à l’évidence bien trop juste pour l’ampleur potentielle d’un tel sujet. Même les décors de Bernard Robinson, pourtant le maître absolu dans la partie à la Hammer Film, ne sont pas au niveau. La première séquence du film, flash-back traditionnel mais plus long et développé qu'à l'accoutumée, fait peine à voir, notamment l’affrontement entre les deux factions rivales, entre les quatre murs d’un décor de parc d’attraction.

John Gilling et son équipe entament le tournage à Bray le 12 septembre 1966, et ce jusqu’au 21 octobre. Dès l’origine, The Mummy’s Shroud doit constituer le film de complément de Frankenstein créa la femme (Terence Fisher, 1967). Il sort en Angleterre le 18 juin 1967, classé "X", distribué par Warner / Pathé. La sortie américaine a été plus précoce, le 15 mars 1967, toujours en double programme avec Frankenstein créa la femme ; le dernier double feature du studio. Les critiques ne sont pas tendres, difficile de leur en vouloir. En France, le film s'offre une sortie le 19 juin 1968, et attire quasiment 350 000 Hammerophiles. Un score honorable pour un si faible opus. Quel dommage que la Hammer quitte les studios de Bray sur ce film vraiment anecdotique.

Disponibilité vidéo : DVD - éditeur : Metropolitan Video
Blu-ray UK - éditeur : StudioCanal (sous-titres anglais uniquement).

Sources bibliographiques :
The Hammer Story / Marcus Hearn, Alan Barnes
Hammer Complete / Howard Maxford
Hammer Film, An Exhaustive Filmography / Tom Johnson, Deborah Del Vecchio
L'antre de la Hammer / Marcus Hearn
Dans les griffes de la Hammer / Nicolas Stanzick

Dans les griffes de la momie (John Gilling, 1967) title still

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