Les Maléfices de la momie (Michael Carreras, 1964)

Affiche du film Les Maléfices de la momie (The Curse of the Mummy's Tomb, Michael Carreras, 1964)


Après Frankenstein, Dracula et le loup-garou, relectures des Universal Monsters, la Hammer Films continue sur sa lancée avec un cycle "momies" commençant par La Malédiction des pharaons (The Mummy, 1959) réalisé par Terence Fisher, avec Christopher Lee et Peter Cushing, la Dream Team de la firme. Ce n'est que cinq ans plus tard qu'un nouvel opus est produit, scénarisé et réalisé par Michael Carreras.

La donne n'est cependant plus la même. Les Maléfices de la momie (The Curse of The Mummy's Tomb) ne compte au générique aucune des stars de la Hammer. Seuls des seconds couteaux, bien connus des aficionados, sont présents : George Pastell (Les Étrangleurs de Bombay, Terence Fisher, 1959, La Malédiction des pharaons, id., Maniac, Michael Carreras, 1963), qui interprète peu ou prou le même rôle que dans le premier film de la série, ou encore l'inusable Michael Ripper (L'Invasion des morts-vivants, John Gilling, 1966, Dracula et les femmes, Freddie Francis, 1968) dans le rôle d'un serviteur égyptien.

Pour la première fois au cinéma, la jolie Jeanne Roland, au charme tout exotique, n'aura pas vraiment l'occasion d'impressionner : elle est doublée vocalement -pratique assez courante chez la Hammer- avec un faux accent français terriblement forcé, ce qui donne à chacune de ses répliques un air factice très cliché. Autrement, sa plastique désirable correspond tout à fait au standing des Hammer Girls, comme Ursula Andress (Un Million d'années avant J.C.), Ingrid Pitt (Comtesse Dracula), Caroline Munro (Capitaine Kronos, tueur de vampires, Dracula 73), et bien d'autres. Comme certaines d'entre elles, Jeanne jouera dans un James Bond, On ne vit que deux fois (Lewis Gilbert, 1967), et dans Casino Royale (Val Guest, John Huston, Robert Parrish, Ken Hugues, Jospeh McGraph, 1967), la version psychédélique et délirante des aventures du célèbre agent secret.

C'est la décision, fin 1963, de sortir le film en double programme avec La Gorgone, de Terence Fisher, qui accélère la mise en place du tournage. En effet, Fisher commence à tourner le 3 décembre 1963, et ce jusqu'à la mi-janvier 64 ; Les Maléfices de la momie lui emboîtera le pas à partir du 24 février pour un mois de tournage, entièrement réalisé sur les plateaux d'Elstree. Le film est budgété à 103 000 livres, et est co-produit par Swallow Productions Ltd, une filiale de Hammer Film, créée pour produire son film Visa pour Canton (1960) ; Carreras occupe sur The Curse of the Mummy's Tomb les postes de réalisateur, scénariste et producteur, comme ce sera le cas quelques années après avec Le Peuple des abîmes. Le premier projet de suite au film de Terence Fisher, La Malédiction des pharaons, prévoyait un scénario incluant une momie gigantesque (qu'on retrouve d'ailleurs toujours sur certaines affiches britanniques), assorti d'un casting et d'un budget plus important. Cependant, Michael Carreras avait toujours eu une façon assez économe et simple de boucler ses films : c'est le cas pour celui-ci également.

Ronald Howard dans Les Maléfices de la momie / The Curse of the Mummy's Tomb (Michael Carreras, 1964)
Ronald Howard

L'histoire est classique : une malédiction pèse sur les membres d'une expédition ayant mis au jour la tombe du pharaon Ra-Antef. Une fois réveillée, la momie va notamment perturber l'existence d'Annette Dubois (Jeanne Roland), reproduisant le schéma de Frankenstein (James Whale, 1931). Mademoiselle Dubois tombera sous le charme du mystérieux Adam Beauchamp (Terence Morgan), tout en étant engagé auprès du gentleman John Bray (Ronald Howard), rappelant le triangle amoureux du même Frankenstein. Puis, dans un schéma à la King Kong, la momie est présentée au public au sein d'un spectacle conduit par un Barnum bis : le hâbleur Alexander King (interprété par Fred Clark, très bon).

Le magnat a financé les recherches et veut faire de la momie l'attraction principale d'un spectacle itinérant. Son bagout en fait un bonhomme pittoresque, en même temps qu'un homme de spectacle qui va précipiter les événements sinistres à venir, comme Carl Denham dans King Kong. Alexander King sera d'ailleurs l'une des premières victimes du monstre.

Autre originalité, l'humour n'est pas absent du métrage, notamment pas le biais de deux techniciens, fainéants et peureux, qui participent au montage du spectacle d'Alexander King. Pour autant, le ton général n'est pas à la fête. À peine le film est-il commencé qu'une main est tranchée plein cadre (et ce ne sera pas la dernière). On retrouve d'ailleurs cette drôle de fixation dans le plus tardif La Momie sanglante, réalisé par Seth Holt et terminé par Michael Carreras. Le film n'égalera cependant pas les excès gore ou érotiques des productions Hammer des années 70.

Terence Howard et Jeanne Roland dans Les Maléfices de la momie / The Curse of the Mummy's Tomb (Michael Carreras, 1964)
Terence Howard et Jeanne Roland (et la momie !)

Il est relativement étonnant que Michael Carreras, qui ne goûtait pas les Monster Movies du studio, se soit engagé sur le film, qui se rapproche le plus du courant gothique. Il crée en effet au début des années 60 Capricorn Productions, pour développer des sujets qui ne trouvait à l'évidence pas grâce aux yeux du père, James Carreras, patron de la Hammer. Western (La Chevauchée des outlaws, 1962), film musical (What A Crazy World, 1963), ces aventures cinématographiques semblent mieux correspondre aux aspirations du fils. Pourtant, ici le travail est réalisé correctement ; c'est carré, certes sans éclat de mise en scène. Mais Carreras reste soucieux d'offrir aux spectateurs un spectacle bien ficelé. 
En réalité, c'est Anthony Hinds, producteur-clé à la Hammer (et fils de William Hinds, fondateur du studio avec James Carreras) qui demanda expressément à Carreras de réaliser ce nouvel épisode consacré à la momie : on y voit plus clair.

La Gorgone et son film de complément, Les Maléfices de la momie, sortiront donc le 18 octobre 1964 en Angleterre, espérant peut-être compenser l'absence de star des Maléfices... par la sainte trinité reformée pour La Gorgone, à savoir Fisher, Lee et Cushing. Même si la presse n'est pas enthousiaste, le doublé fit un succès public, qui se reproduisit lors de la sortie aux États-Unis le 31 décembre 1964, distribué par Columbia. La France n'est pas en reste : Les Maléfices de la momie sort le 16 juin 1965, et totalisera plus de 330 000 entrées à la fin de son exploitation en salles.

Les défauts sont épais, les ficelles bien trop grosses pour soutenir l'intérêt, et pourtant, le spectacle se regarde sans déplaisir. On est tout de même très loin des grandes réussites du studio.


Disponibilité vidéo : Blu-ray / DVD - éditeur : ESC Editions
Blu-ray zone B UK – éditeur Powerhouse / Indicator (sous-titres anglais uniquement)

Sources bibliographiques :
The Hammer Story / Marcus Hearn, Alan Barnes
Hammer Complete / Howard Maxford
Hammer Film, An Exhaustive Filmography / Tom Johnson, Deborah Del Vecchio
L'antre de la Hammer / Marcus Hearn
Dans les griffes de la Hammer / Nicolas Stanzick

Image titre du film Les Maléfices de la momie (The Curse of the Mummy's Tomb, Michael Carreras, 1964)

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