Child of Divorce (Richard Fleischer, 1946)
Fils de Max Fleischer -l'immortel producteur des Betty Boop (1932), des dix-sept épisodes animés de Superman (1941), ou du long métrage Les Voyages de Gulliver (1939)-, Richard Fleischer aura passé un bon nombre d’années à attendre de réaliser un film de série A, mais une fois le temps venu ils seront nombreux et très populaires : 20 000 lieues sous les mers (1954), Barabbas (1962), Le Voyage fantastique (1966), Soleil Vert (1973)... Plongeant dès 1946 dans la réalisation de séries B de tous types (films noirs, comédies, westerns, etc.), il fait pourtant preuve d’une sensibilité particulièrement affûtée, assortie d’un talent incontestable pour la mise en scène.
Son premier film Child of Divorce frappe d’abord par la modernité du propos : le divorce de parents vu par les yeux d’une petite fille (excellente Sharyn Moffett), qui pourrait sonner de façon bien moralisatrice et orientée à cette époque. Or, il n’en est rien, l’absence de jugement et le refus de mettre aucun des personnages dans les cases prédéfinies rendent la démonstration juste.
Sharyn Moffett, Regis Toomey et Doris Merrick |
C’est du côté du monde de l’enfance qu’il faut trouver les scènes les plus dures, notamment celle où Bobby, la fillette, découvre que sa mère a un amant, en même temps que ses camarades de classe. Les moqueries qui s’en suivent sont terriblement cruelles, sans forcer le trait, et pourtant paraissent aujourd’hui encore plus vraisemblables, tant on s’est rendu compte que la cruauté des enfants fait mal (car elle éclate souvent au grand jour, contrairement à celle des adultes, plus camouflée). Mais, même s'ils peuvent être parfois durs, les enfants n’en restent pas moins extrêmement fragiles ; le film le montre aussi de façon très simple, par l’air triste de Bobby, alors qu’elle est obligée de passer une longue période avec sa mère et l’amant de celle-ci, loin de son père. Ou encore, dans une scène encore plus dramatique (aidée par le lieu et l’exagération de ses proportions), lorsque Bobby doit témoigner seule, devant un tribunal, pour valider ou non l’accusation de sa mère de délit d’adultère. Si un seul domaine est vivement critiqué dans le film, c’est bien la justice, et sa persécution de l’humain.
Si la mère s’attire d’abord les foudres de l’audience par son adultère, le père, figure typique du bon père de famille (l’acteur Regis Toomey, familier de ce genre de rôle) ne vaudra plus tard pas mieux. La petite fille, heureuse de retrouver son père, tombe sur la future remplaçante de la maman lors d'un repas prévu en tête à tête, qui s’en trouve saboté. D’une remarquable intelligence, le film avance, décrit des comportements toujours vraisemblables et humains, façonnant peu à peu la vision du monde de la petite.
La distribution est impeccable, à commencer par Sharyn Moffett (Bobby). Les aficionados des films de monstres Universal retrouveront avec bonheur l'excentrique Una O'Connor (L'Homme invisible, La Fiancée de Frankenstein) dans un rôle plus sobre.
Touchant et sans concessions (grâce à son petit budget de série B, le réalisateur réussit à faire accepter une fin pas tout à fait happy), le premier film de Richard Fleischer est un petit bijou de sincérité, et un éclat de modernité dans une époque où parler de divorce était sujet à caution.
Disponibilité vidéo : DVD zone 2 autrefois édité par les éditions Montparnasse (uniquement au sein du coffret Richard Fleischer), aujourd'hui épuisé. Peut-être dans la médiathèque de votre commune ?
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