L'Énigme du Chicago Express (Richard Fleischer, 1952)

L'énigme du Chicago Express (The Narrow Margin, Richard Fleischer, 1952) film poster

The Narrow Margin (titre original du film, traduisible par La marge étroite) démarre sur les chapeaux de roues pour ne plus lâcher le spectateur : dès le plan d’ouverture, le titre nous saute littéralement à la figure, en même temps qu’un train lancé à toute vitesse. On retrouve, comme pour Armored Car Robbery, cette sensation de contre-la-montre qui préside au film en entier. D’ailleurs, quand les deux hommes descendent sur le quai au tout début, on nous dit que le train repart dans une heure, soit, grosso modo, le temps qu’il reste à Narrow Margin pour arriver à son terme. Et si le film se déroulait dans cet intervalle ?

Alors qu’on a quitté Armored Car Robbery dans un aéroport, on va débuter celui-ci dans une gare. Ces lieux publics où les destins se croisent, se suivent, s’enchaînent, puis finalement se jouent, sont les endroits privilégiés du polar, et constituent souvent les points d’orgue des récits.

Ce train, deux policiers l’ont pris pour réceptionner puis escorter une jeune femme, témoin-clé dans un procès qui doit se tenir prochainement. La paire, un vieux de la vieille et l’autre plus robuste, ne tarde pas à s’alléger. La vieille garde se fait ainsi surprendre, faute de réflexes, par la balle d’un tueur à gages. Le jeu, en début de film, sur son cigare qui reste éteint malgré plusieurs tentatives de rallumage, est dramatiquement prémonitoire.

De l’éphémère trio au duo, L’Énigme du Chicago Express trace sa route sur des rails, la totalité de l’intrigue se déroulant dans les wagons du train reliant le lieu d’origine de la jeune femme à celui du procès. Se joue dès lors une course-poursuite entre le policier, sa protégée et une mystérieuse organisation qui a des hommes partout. L’exiguïté des lieux, l’impossible échappatoire puis la nécessaire partie de cache-cache rendent les séquences très tendues, cependant adoucies par la romance naissante entre une autre jeune femme et le policier (Charles McGraw, vu dans Armored Car Robbery, fort comme un lion, un peu à la Kirk Douglas). Pour un peu, on pourrait se croire dans un Hitchcock (il est vrai qu’il adorait faire ces "films de trains" tels Une femme disparaît (1938) ou le début de L’Inconnu du Nord Express).

La relation du flic et de l’enfant est aussi juste, touchante et contrarie cette obligation de ne pas faire de vagues qui calmerait McGraw, toujours sur le qui-vive, regard oblique, sentant le danger se rapprocher peu à peu de son témoin.

Les bad guys ont des mines bien patibulaires, et ça n’est pas pour me déplaire ; le jeu subtil qui consiste à s’afficher franchement pour mieux détourner leur attention est bien rendue, et va prendre le flic à son propre jeu ; son témoin est tellement absente de l’espace public que c’est l’autre jeune femme qui va, à son tour être suspectée d’être le témoin gênant... en tant que huis-clos un poil claustro, le film de Fleischer marche à cent pour cent. Les différentes forces en présence en dissimulent d’autres, et le spectateur sera bien malin pour deviner le fin mot de l’histoire, dévoilé avec force habileté par le réalisateur. Un jeu de dupes maîtrisé de bout en bout, une vraie réussite du polar : que demander de plus ?

Disponibilité vidéo : DVD zone 2 - éditions Montparnasse

L'énigme du Chicago Express (The Narrow Margin, Richard Fleischer, 1952) title screen

 

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