Je suis une légende (Ubaldo Ragona & Sidney Salkow, 1964)
Tourné à l’époque du Masque de la mort rouge, issu du cycle Poe de Roger Corman, The Last Man on Earth (Je suis une légende) est la première adaptation cinématographique du livre de Richard Matheson avec le grand Vincent Price dans le rôle principal.
Il s’agit d’une coproduction italo-américaine, distrivué aux États-Unis par AIP, dans laquelle joue également Giacomo Rossi-Stuart, également habitué à joué dans des films fantastiques : on l'a vu notamment dans le très bon Opération Peur de Mario Bava (1966). Toute la distribution, à part Price, est italienne ; Matheson, qui prit part à l’adaptation de son propre roman, n’a d’ailleurs pas été satisfait de la performance de Price dans le rôle. Et c’est vrai qu’il ne brille pas particulièrement, même s’il convient -cela doit être le seul acteur qui a plus de charisme quand il a l'air maussade que quand il sourit-, et que son visage hanté par la folie résume bien ce que l’on pourrait devenir en restant seul pendant des années. Ses rires maladifs, grimpant parfois aux éclats, sont la manifestation la plus prégnante de cette contamination par la solitude, par le vide.
Très pessimiste, comme le roman, le film s’ouvre sur des plans déserts de grandes villes, pour aller plus loin dans la description d’un monde rendu exsangue par une épidémie : des corps sans vies jonchent les rues, que Robert Morgan (Vincent Price) se charge d’incinérer dans la Fosse. Quand on le compare avec l'adaptation par Francis Lawrence avec Will Smith, on perçoit instantanément un changement de degré : Je suis une légende by Will Smith commence par une chasse au gibier dans une belle voiture de sport sillonnant les rues désertes d’un New York ravagé : il y souffle alors comme un vent de liberté, tout en distillant un côté très fun. Rien à voir donc, autant avec le livre qu’avec ce Last Man on Earth, qui possède en plus un noir et blanc dépressif au possible.
La solitude du personnage est bien rendue par des moments en creux, même si l’on remarque ne jamais s’ennuyer, ce malgré le fait qu’un seul personnage occupe tout le champ les trois quarts du métrage. La vie de Morgan est très codifiée, cadrée par des rituels constants ; pourtant, cela ne peut cacher les errements du personnage, encore moins son désespoir. Les flashbacks dévoilant sa vie de famille réussissent à être assez déchirants, oasis de vie terrée dans les recoins d’un désert affectif. Là-dessus, la trouvaille d’un chien, vivant, vient égailler un court moment la survie de Morgan, se raccrochant comme il peut à son souvenir de vie.
Il est clair que George A. Romero, pour sa Nuit des morts-vivants (1968), a puisé dans l’esthétique ascétique de ce film, ainsi que dans le comportement des contaminés : certains plans, notamment ceux de la meute qui s’abat chaque nuit sur la maison de Morgan, sont très ressemblants. La dimension implacable de la mort, dont le spectre nous guette à chaque plan, est également une des composantes essentielle du film de Romero ; le désespoir d’un monde poussé vers sa fin, de cette humanité en déclin, contaminée par le vide et la désolation, souffle pareillement sur le film, comme sur un arbre mort que la force perpétuelle du vent vaincra, coûte que coûte. Une série B bien menée, malgré les scories inhérentes à un budget fantôme. En 1971, Matheson participera à une nouvelle adaptation de son roman avec Le Survivant (The Omega Man, Boris Sagal).
Disponibilité vidéo : DVD FR zone 2 - éditeur : Bach Films
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