Un baquet de sang (Roger Corman, 1959)

Affiche du film Un Baquet de sang (A Bucket of Blood, Roger Corman, 1959)


Walter Paisley (Dick Miller, habitué des productions Corman vu plus tard dans L'Enterré vivant, La Petite boutique des horreurs ou L'Halluciné), serveur dans un café, aimerait être un artiste : enivré par les discours fougueux d'un poète lors d'une soirée bien arrosée, entouré des beatniks, il décide de se mettre à la sculpture et achète de la glaise. Le problème ? Il n'a aucun talent. 

Obsédé par la reconnaissance que lui vaudrait le statut d'artiste, il va, à la faveur d'un accident (il tue accidentellement le chat de sa propriétaire), faire le premier pas dans un art plutôt sordide. L'argent, bien sûr, rentre également en considération dans les bénéfices à retirer de cette entreprise sanglante.

Cette relecture de L'Homme au masque de cire (autant celle de 1953, signée André De Toth, que celle de Michael Curtiz, tournée vingt ans avant) brille d'un feu qui noircit l'âme : le désir de créer, quoi qu'il en coûte. Dans les versions antérieures, c'est un sculpteur renommé qui perd l'usage de ses mains dans un incendie : pour retrouver son aura d'avant, il n'hésitera pas à se lancer dans un artifice morbide. Ici, point de talent gâché : Paisley n'est qu'un bon à rien dont les rêves de grandeur ne font que l'attirer vers l'abîme. Les méfaits qu'il commet pour accéder au statut envié d'artiste reconnu offriront donc une gradation dans l'horreur. Et, comme dans les films dont il s'inspire ouvertement, Un baquet de sang offre un parallèle entre la création et la mort, les personnages dépeints restant figés dans leur posture "finale", immortalisant leur dernier instant. Ils interrogent ainsi la beauté de l'art, ici clairement pervertie et pourtant, trouvant grâce aux yeux des spectateurs ; tout autant, la question de la légitimité de l'artiste, créant des artefacts originaux, est elle aussi posée. D'ailleurs, la ré-utilisation d'objets existants est prônée comme modèle artistiques par nombre d'artistes post-modernes. En ce sens, il est évident que Paisley peut être considéré comme un artiste ; la mise en scène de sa mort, pensée comme son ultime chef-d’œuvre, atteste de cette position.

De cette histoire macabre, Corman en sort des choses intéressantes, comme l'ambiance du bar, très libre, presque révolutionnaire, à la musique jazzy tout à fait appropriée. Paisley ne se rend absolument pas compte de l'horreur de ses actes. Son air constamment rigolard (oui mais, avec son béret d'artiste bien enfoncé sur sa tête un fois qu'il a été "révélé") orienterait le film vers la comédie noire, axe qu'a tenté de mettre en valeur la production par ses bandes annonces.

Un soupçon d'érotisme vient épicer le film lorsque une jeune femme, adulée par Paisley depuis des lustres, accepte de poser pour lui. On retrouve les ficelles du cinéma d'exploitation, dont Corman a toujours été une des voix les plus assumées. Comme quoi, avec 50 000 dollars et 5 jours de tournage, tout est possible ! Corman signe ici une série B tout à fait intéressante, toute en humour noir ambiguïté. Amusant : Dick Miller jouera des années plus tard dans Hurlements (Joe Dante, 1981) un personnage qui porte le nom de Walter Paisley, en hommage à ce Baquet de sang.

Disponibilité vidéo : en DVD zone 2 - éditeur : Wild Side Video (épuisé mais trouvable en occasion)

Image titre du film Un Baquet de sang (Roger Corman, 1959)


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