La Nuit des diables (Giorgio Ferroni, 1972)

La Nuit des diables (La notte di diavoli, Giorgio Ferroni, 1972)


Douze ans après l'excellent Le Moulin des supplices, Giorgio Ferroni renoue avec le genre fantastique pour cette libre adaptation de la nouvelle La famille du Vourdalak de A.K. Tolstoï. Mario Bava avait précédemment réalisé une adaptation du même récit dans Les Trois visages de la peur (1963). S'éloignant volontairement du film d'époque, Ferroni met en scène une histoire macabre, marquée par des excès graphiques et une profonde mélancolie.

Nicola (Gianni Garko, connu entre autres pour la série de westerns Sartana) se perd dans la campagne. A la recherche de quelque secours, il rencontre une famille qui vit cloîtrée dans une vieille bâtisse en lisière de forêt. Il y remarque rapidement la belle Sdenka (Agostina Belli), qui n'est pas insensible à son charme. Mais la mort ne semble jamais loin.

Sur la trame classique de la nouvelle, Ferroni va greffer des arrangements modernes, en commençant (presque) par la fin. Le spectateur découvre Nicola amnésique, transporté dans un hôpital et soumis à d'étranges test d'où surgissent une imagerie extrême : tête éclatée, main caressant un pubis offert... Une jeune femme qui se révélera être Sdenka vient trouver Nicola qui devient comme fou, devant être maîtrisé. Dès lors, l'histoire redémarre dans l'ordre avec un flash-back revenant sur les événements ayant mené à cette situation.

Gianni Garko dans La Nuit des diables (La notte di diavoli, Giorgio Ferroni, 1972)
Gianni Garko
 

le film s'apparente à de nombreux genres, dont le film d'horreur et le survival, mais c'est au final les histoires d'amours torturées qui tissent le fil du récit ; que ce soit celle entre Nicola et Sdenka, ou bien encore celle d'un couple adultère. La "famille" ainsi composée,  déjà dysfonctionnelle, va littéralement exploser sous les attaques d'une mystérieuse présence extérieure, se positionnant en révélateur des conflits internes à la maisonnée. Tourné quelques années après le séminal La Nuit des morts-vivants, La Nuit des diables lui emprunte certains motifs, rehaussés d'une couleur rouge vif, évidemment. La juxtaposition d'un décor campagnard aride et de figures zombifiées qui, bien que rares, semblent cerner toute présence humaine dans le périmètre, accentue la sensation de perdition qui étreint les personnages.

Un autre élément remarquable du film est sa propension à montrer des scènes très violentes, à l'aide d'effets spéciaux réalistes : déchirement de peaux, éventrements, asticots grouillants dans un crâne... bref des excès qu'on retrouvera un pan du cinéma d'exploitation italien dans la décennie, notamment chez Lucio Fulci. Ces effets sont la création de Carlo Rambaldi, le futur designer d'E.T., l'extra-terrestre. À cette époque, il a déjà travaillé pour Lucio Fulci (Le Venin de la peur, 1971) ou encore Mario Bava (La Baie sanglante, 1971). Ses effets saisissants ne constituent pas le moindre mérite du film.

Agostina Belli dans La Nuit des diables (La notte di diavoli, Giorgio Ferroni, 1972)
Agostina Belli

La narration, plongée au fur et à mesure dans une extrême paranoïa, interroge finalement sur la réalité des événements racontés par Nicola : a-t-il rêvé ? On peut penser que le centre nerveux du film, la force du sentiment amoureux, paraît balayé par un instinct plus puissant encore : la survie. La Nuit des diables constitue in fine une tragédie d'une infinie tristesse. L'édition DVD/Blu-ray royale concoctée par Le Chat qui fume rend un hommage bienvenu à cette œuvre forte.

Coproduction italienne, le film a été tourné en Italie durant cinq semaine entre fin 1971 et début 1972, dans la région du Lazio, près du lac Bracciano (ce qui fait étrangement illusion alors que l'action du film est censée se dérouler à la frontière italo-slovène). Les images du film n'ont pas la patine visuelle du Moulin des supplices, le budget ne le permettant pas. À l'époque, Ferroni a 63 ans et est presque totalement sourd ; il ne réalisera plus qu'un film après celui-ci et pris sa retraite juste après, en 1975.

Source bibliographique

Italian Gothic Horror Films, 1970-1979 / Roberto Curti, 2017

Disponibilité vidéo : DVD/Blu-ray zone B - éditeur : Le chat qui fume (édition épuisée, tentez votre chance dans une médiathèque près de chez vous !) ; Blu-ray zone A (sous-titres anglais uniquement) - éditeur : Raro Video, à paraître le 24/10/2023.

Une autre chronique du film sur DevilDead

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