The Shooting / La Mort tragique de Leland Drum (Monte Hellman, 1967)
The Shooting (aussi appelé La Mort tragique de Leland Drum dans nos contrées) est un western réalisé en 1967 par Monte Hellman, cinéaste qui reste méconnu aujourd'hui, alors qu'il a peut-être été l'un des premiers à symboliser le Nouvel Hollywood dès la fin des années 60. Ami de Jack Nicholson, il produit avec lui ce film OVNI en tous points fascinant.
Le budget quasi inexistant impose une épure tant visuelle (un lieu : un désert infini) que narrative. Bien conscient de ses limitations de moyens, il bâtit un drame dans lequel la psychologie est omniprésente, ainsi qu'une réflexion sur la hiérarchie sociale et les rapports de force. Hellman va donc se focaliser sur ses personnages -une femme et trois hommes- réunis autour d'une quête qui reste assez mystérieuse.
Un homme (Gashade, interprété par Warren Oates) revient à son campement et trouve un de ses amis enterré et l'autre parti, de peur des potentielles représailles à cause d'un accident qu'il aurait provoqué. Arrive une femme qui demande à Gashade et son ami Coley de l'accompagner jusqu'à la ville de Kingley. Les motivations de chacun ne sont pas évidentes, sauf pour Coley, un peu benêt, aveuglé par les beaux yeux de la Femme - aucun patronyme ne lui est associé. Cette dernière est une garce irritante qui, par son charme, a réussi à recruter des chasseurs de primes. Il apparaît dès lors qu’une tuerie (The Shooting) soldera l’histoire. La forme du groupe constitué varie constamment dans le film, de deux hommes au départ, deux hommes et une femme ensuite, trois hommes et une femme, revenant à deux hommes et une femme. À chaque fois, la dynamique change au sein du groupe par l'arrivée ou le départ d'un des membres, de façon très bien pensée ; l’anomalie dans le système est représentée par la Femme, soulevant les désirs frustrés des hommes, les menant finalement tous à la baguette. Le changement d'époque, entre l’âge d'or d’Hollywood et les thèmes chers au Nouvel Hollywood, influencés par le cinéma européen, est ici on ne peut plus clair.
Dans ces paysages désertiques, les hommes semblent faire du sur-place tant le relief, immobile, modelé par une érosion lente et qui ne laisse que peu de chance à la survie, les condamne d'avance. Pour autant, The Shooting reste ancré dans la tradition du road-movie, dans lequel le déplacement dans l'espace rejoint toujours le cheminement psychologique de l'individu. Le climat aride laisse les corps et les esprits asséchés, mais la volonté indéfectible de la Femme, ici dans une position de force inhabituelle dans le western, ne faiblira pas. Les plans longs, peu mobiles, cadrent les personnages dans des plans moyens ou des plans d’ensemble insérant les individus au sein d’une terre désolée et impitoyable. Malgré un démarquage évident de certains aspects-clés du western (pas de figure garante de la justice ici), on observe quelques constantes diablement efficaces : le manque d’eau, le besoin de renouveler les chevaux pour continuer à avancer, la place centrale de l’arme à feu comme accessoire d'autorité, enfin la solitude et la petitesse de l'être humain errant déjà au pays des morts. La fin du film, quasi surréaliste, usant d'un ralenti à l'extrême, parachève de faire de The Shooting un film très expérimental dans sa forme, influencé par le cinéma européen que Hellman appréciait beaucoup.
Disponibilité vidéo : Coffret DVD (avec L'ouragan de la vengeance du même réalisateur) - éditeur : Carlotta (épuisé, trouvable en occasion).
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