Traitement de choc (Val Guest, 1961)
Le coureur automobile Alan Colby (Ronald Lewis) et sa
femme Denise (Diane Cilento), nouvellement mariés, ont un accident de voiture.
Traumatisé, Colby ne peut plus voir un circuit en peinture et, plus grave, a
une irrépressible envie d’étrangler sa femme… Sa rencontre avec le docteur
Prade (Claude Dauphin) va lui permettre de suivre un traitement extrême
pour, espère-t-il, le guérir.
Val Guest est loin d’être un inconnu chez la Hammer ; c’est
même lui qui a initié le renouveau de la firme avec la sortie du Monstre (The
Quatermass Xperiment) en 1955. Ce film de science-fiction, adaptation des
aventures radiophoniques du professeur Quatermass de Nigel Kneale, est un grand
succès. Il bénéficiera de deux suites cinématographiques (La Marque / Terre contre satellite, 1957, Val Guest) et Les Monstres de l’espace (Roy Ward Baker,
1967) et détermine finalement l’orientation fantastique couronnée de succès de
la Hammer. Traitant de genres très variés, Val Guest parcourt l’histoire du
studio en réalisant des films aussi différents que Le Redoutable
homme des neiges (1957), Section d’assaut sur le Sittang
(1959) ou Quand les dinosaures dominaient le
monde (1970). Val Guest voulait Stanley Baker dans le rôle principal, qu’il
avait dirigé dans Section d’assaut sur le Sittang (Yesterday’s Enemy) puis dans
Un homme pour le bagne (Hell Is a City, 1959). Pour cause de conflit d’agenda,
il eut plutôt Ronald Lewis, alors sous contrat, qui allait tourner deux autres films pour la
Hammer : Hurler de peur (Seth Holt, 1961) puis Le Brigand de Kandahar (John
Gilling, 1965). Très bon dans les rôles torturés, son attitude enfiévrée fait malheureusement écho à sa vie personnelle. Diane Cilento, actrice australienne, incarne ici une italienne plutôt correctement, même si sa voix reste constamment
sur une tonalité haute peu naturelle. C’est le second et dernier film de Diane
Cilento pour la Hammer après Wings of Danger (Terence Fisher, 1952). Elle prêtera ses traits fins à d'autres rôles, notamment dans L’Extase et l’agonie (Carol Reed, 1965) et The Wicker Man
(Robin Hardy, 1973). Sa présence dénudée dans certaines séquences de Traitement
de choc en fait une Hammer Girl à l’avant-garde du tournant plus érotique pris par le
studio vers la fin des années 60.
Diane Cilento |
Pour ce thriller qui devance la vague des
« mini-Hitchcock », comme les nomme le scénariste et producteur Jimmy
Sangster, Hammer va utiliser une section de production parallèle, Falcon Films,
en co-production avec la société de Val Guest, Hilary. Le nom Hammer
n’apparaît d’ailleurs pas au générique, bien que The Full Treatment (titre original du film) soit sans
aucun doute possible une de leurs productions. Ce projet est en effet bien
différent des films que produit Hammer à l’époque, La Malédiction des pharaons
(1959), Les Deux visages du docteur Jekyll (1960) ou encore Les Maîtresses de
Dracula (1960) en tête, tous réalisés par le maître des monstres à la Hammer, Terence
Fisher.
Autre grande différence par rapport aux autres productions
Hammer, la durée du film. Elle s’élève à 1h50, soit le plus long jamais produit
par la firme. Traitement de choc se démarque par les mouvements géographiques à
l’œuvre dans le film. Après un prologue sur les routes britanniques, le film se
déroule assez longuement sur la Riviera française, puis revient à Londres, pour faire finalement un dernier arrêt dans le sud de la France. Chacune de ces séquences prennent leur temps, et installent le scénario sur un rythme assez lent. L’autre raison de la durée
du film est le fameux traitement suivi par Alan Colby pour se défaire
de son affliction. Le docteur Prade reçoit en effet le coureur automobile en
consultation pour lui faire revivre intérieurement le parcours qui l’a mené
jusqu’à son accident. De nombreuses séances, apparaissant longuement à l’écran,
tracent le chemin vers la guérison… ou pas.
Le rapprochement que l’on peut faire avec les films
d’Alfred Hitchcock, revendiqué par Jimmy Sangster, est lié ici au traitement de la
psychanalyse à l’écran. Rebecca (Hitchcock, 1940), La Maison du docteur Edwardes (Hitchcock, 1945),
ou Sueurs froides (Hitchcock, 1958) sont des exemples
parfaits de tout un pan de la filmographie hollywoodienne consacrée à la
psychanalyse. Le docteur Prade, avec sa mise en pli parfaite et ses méthodes extrêmes
(incluant, fait original autant que glaçant, une bouteille de gaz), en est
l’héritier.
Claude Dauphin était si satisfait du film qu’il constitue pour lui
son meilleur rôle. Sa carrière ne manque pourtant pas de films marquants :
Casque d’or (Jacques Becker, 1951), Le Plaisir (Max Ophüls, 1951) et bien
d’autres. Tournage en France oblige, Claude Dauphin était la caution France du
film, comme le sera plus tard Liliane Brousse dans Maniac (Michael Carreras,
1963). Val Guest était particulièrement ravi de son casting français, incluant
aussi Françoise Rosay, une icône du cinéma français aux 60 ans de carrière,
dans le (tout petit) rôle de la mère du docteur Prade.
Ronald Lewis, Diane Cilento et Claude Dauphin |
Ayant une prédilection pour le noir et blanc, Val Guest
adapte donc en 1961 le roman de Ronald Scott Thorn, The Full Treatment, alors
que les succès fantastiques de la Hammer, en plein boom, se sont bâtis sur la
couleur. L’écrivain participera d’ailleurs à l’adaptation de son propre livre.
Acquis
en 1959 par Val Guest, les droits du livre ont pu être porté à l’écran à partir
du début du mois de mai 1960, à Cannes, pendant le festival. Le tournage dura huit semaines, une durée inhabituellement longue pour la Hammer, jusqu’à début juillet. Après
le tournage à Cannes, l’équipe continue les prises de vue dans les studios
d’Elstree, au nord de Londres. Il est toujours étonnant de remarquer que les
films de la vague « thriller » de la Hammer, s’ils ne sont pas les
plus demandés, les plus attendus, ont certainement coûté bien plus cher que
les Dracula, Frankenstein et autres films gothiques, rien qu’en déplacement à
l’étranger. Dans le même temps, les Dracula et consorts voient leur extérieurs
d’Europe de l’est reconstitués en studio… Comme si Jimmy Sangster et Michael
Carreras valorisaient mieux ces films, plus grand public, plus acceptables, que
leurs films d’horreur qui, s’ils remplissaient les caisses, scandalisaient toujours
les critiques.
Le film sort en Angleterre le 20 février 1961, assorti d’une classification X (interdit aux moins de 16 ans).
Certaines séquences explicites, comme le premier nu observé dans un film
Hammer, expliquent cela. En effet, Diane Cilento se baigne nue sous l’œil avide
du docteur Prade, qui l’observe à la jumelle. Une autre séquence dans la salle
de bain occupée par le couple propose un érotisme encore plus frontal. Classé
X, le film n’est cependant pas censuré par le BBFC. Le 17 mai 1961, le film est distribué sur le
territoire américain, sous un titre plus typique du cinéma
d’exploitation : Stop Me Before I Kill!, sous l’égide de la Columbia (distributeur
de la Hammer pour de nombreux films depuis 1958 et L’Homme au masque de verre (The Snorkel, Guy Green). Les spectateurs Français ont pu découvrir le film à partir du 2 août 1961, date de sortie de Traitement de choc dans l'hexagone.
Traitement de choc est une film assez particulier dans l'histoire de la Hammer, même si dans le même genre, Hurler de peur lui est supérieur. Sa façon d'être toujours en équilibre, ne sachant pas trop vers quelle direction aller (drame psychologique, thriller, horreur), peut paraître déroutante. Cependant, la qualité de l'interprétation, des beaux cadrages en (Mega)Scope de Gilbert Taylor, et l'interprétation sobre de Claude Dauphin en bourgeois un brin méprisant donne tout le sel de ce film.
Disponibilité vidéo : Blu-ray zone B - éditeur : Powerhouse / Indicator (sous-titres anglais uniquement).
Sources bibliographiques :
The Hammer Story / Marcus Hearn, Alan Barnes
L'antre de la Hammer / Marcus Hearn
Coffrets Blu-ray Hammer - éditeur Powerhouse / Indicator
Hammer Complete / Howard Maxford
Hammer Film, An Exhaustive Filmography / Tom Johnson, Deborah Del Vecchio
Hammer Films' Psychological Thrillers : 1950-1972 / David Huckvale
Sources bibliographiques :
The Hammer Story / Marcus Hearn, Alan Barnes
L'antre de la Hammer / Marcus Hearn
Coffrets Blu-ray Hammer - éditeur Powerhouse / Indicator
Hammer Complete / Howard Maxford
Hammer Film, An Exhaustive Filmography / Tom Johnson, Deborah Del Vecchio
Hammer Films' Psychological Thrillers : 1950-1972 / David Huckvale
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