Maniac (Michael Carreras, 1963)

Maniac (Michael Carreras, 1963) Poster Quad Crown UK

Au début des années 60, la Hammer Film inaugure une vague des thrillers qui détonne avec leurs adaptations de Dracula et Frankenstein. Hurler de peur (Seth Holt, 1961), Traitement de choc (Val Guest, 1961) Paranoïaque (Freddie Francis, 1963) ou encore Fanatic (Silvio Narizzano, 1965) font partie de cette orientation parallèle, chapeautée par le scénariste Jimmy Sangster. Si Maniac n'est pas le meilleur du lot, il offre malgré tout des moments de tension dignes d'intérêt.

Dans le sud de la France, un maniaque agresse sexuellement Annette (Liliane Brousse) ; dans un accès de rage, son père tue brutalement le criminel (un chalumeau lui permet de réaliser sa sinistre besogne) et est enfermé à l'asile. Quelque temps plus tard, Geoff Farrell (Kerwin Mathews) arrive en Camargue, et tombe sous le charme d'Annette. Eve (Nadia Gray), la belle-mère d'Annette, ne le laisse pas indifférent non plus...

Donald Houston et Kerwin Mathews dans le film Maniac (Michael Carreras, 1963)
Geoff Farrell en fâcheuse posture (Donald Houston, Kerwin Mathews)

L'ouverture du film est assez déstabilisante : deux crimes s'y succèdent en quelques minutes. La rapidité de la séquence (le violeur étant rattrapé par le père en réaction directe à l'agression de sa fille : ni réflexion, ni préparation, une pulsion de vengeance qui abolit toute pensée) est soutenue par un jazz endiablé signé Stanley Black, imprimant un rythme étrange à cet incipit cruel. S'il est fiévreux, il ne joue pas vraiment sur le suspense ou la peur, l'air musical se focalisant sur la chaleur suffocante du sud. Plus tard, certaines mélodies seront même étrangement enjouées. Michael Carreras, grand amateur de jazz, a certainement apprécié de pouvoir donner ce rythme singulier au début de Maniac ; traitement original s'il en est.

Le film est un suspense dans le style des Diaboliques de Henri-Georges Clouzot, aux accents de film noir. Sangster reconnaît volontiers cette inspiration directe. La firme Amicus, grande rivale de la Hammer, s'inscrira dans le même filon en embauchant Robert Bloch, l'auteur de Psychose, pour élaborer d'autres scripts à suspense comme Le Jardin des tortures (Freddie Francis, 1967) ou Asylum (Roy Ward Baker, 1972).

L'arrivée du personnage de Farrell rappelle celle de Frank Chambers dans Le Facteur sonne toujours deux fois (Tay Garnett, 1946) : sorti de nulle part, il est séduit par la gent féminine du coin après avoir rapidement éconduit une précédente conquête ; il va ensuite proposer ses services (ici, il répare un juke-box). Plus tard, une scène assied ce mode d'attraction / séduction : alors que Geoff joue au Yams avec Annette tard dans la nuit, et que les deux personnages commencent à se rapprocher, Eve, la belle-mère, fait irruption dans la pièce, congédie la jeune fille... et prend sa place autour du plateau de jeu. Cette prise de pouvoir sonne aujourd'hui quelque peu désuète et manque d'impact, à l'image du twist dansé du bout des pieds par Geoff et Annette...

Kerwin Mathews et Liliane Brousse dans le film Maniac (Michael Carreras, 1963)
Une partie de Yams sous haute tension (Kerwin Mathews, Liliane Brousse)

Michael Carreras, plus souvent producteur, est un réalisateur de circonstance -il a remplacé Seth Holth, terrassé par une crise cardiaque peu avant la fin du tournage de La Momie sanglante, et pris la place de Leslie Norman qu'il a lui-même viré de la production du Peuple des abîmes-, et n'a apparemment jamais eu de velléité de s'affirmer dans cet exercice. Ici, il réalise un travail honnête mais sans éclat ; Jimmy Sangster jugera que le décor naturel, pourtant assez spectaculaire, n'a pas été suffisamment mis en valeur par la mise en scène*. Pour autant, Sangster n'était pas si critique que cela envers Michael Carreras, qu'il trouvait "moins bon que [Terence] Fisher, mais meilleur qu'une demi-douzaine d'autres qui ont travaillé pour Hammer, mais que je ne nommerai pas."* La mise en scène de la traque du maniaque au début du film reste paresseuse. 

Le jeu de Liliane Brousse, quant à lui, est régulièrement à la limite de l'amateurisme, mais ce n'est pas tout ; Kerwin Mathews est plutôt lisse, mais son style avait déjà marqué dans L'Attaque de San Cristobal (John Gilling, 1962), et il avait déjà incarné les héros droits et sans défauts pour les belles heures du cinéma d'aventures familial (Le septième voyage de Sinbad (Nathan Juran, 1958), Les Voyages de Gulliver (Jack Sher, 1960) ou encore Jack le tueur de géants (Nathan Juran, 1961). On croise également George Pastell, habitué des seconds rôles chez la Hammer : son physique exotique lui donne accès au rôle de Mehemet Bey dans La Malédiction du pharaon (Terence Fisher, 1959), ou encore celui du grand prêtre de Kali dans Les Étrangleurs de Bombay (Terence Fisher, 1959). Le scénario signé Jimmy Sangster accumule les facilités. Eve convainc son amant de l'aider à faire évader son mari ; ce dernier n'étant a priori pas dérangé par le fait que sa femme et un concurrent amoureux lui viennent en aide. Au rayon des twists, on est servi, mais la cohérence de l'ensemble a été sacrifié sur l'autel du sensationnel, notamment dans l'amphithéâtre d'Arles ou lors du final dans une carrière. Ces séquences figurent par contre dans les réussites esthétiques du film, où l'immensité de la construction semble dominer tous les êtres.

Le film sort sur les écrans britanniques le 20 mai 1963 distribué par BLC, en double-programme avec Les Damnés (Joseph Losey), d'un tout autre calibre (et pourtant relégué en deuxième partie de programme). Les américains découvrirent quant à eux Maniac à partir du 30 octobre de la même année, sous la bannière de Columbia, accompagné de Le Manoir aux fantômes / The Old Dark House (William Castle), une autre production Hammer bien plus en accord avec la fête d'Halloween toute proche -par ailleurs remake de La Maison de la mort (James Whale, 1932). Sur l'affiche américaine, le film est aussi titré 'The Maniac", forme que reprend l'édition Blu-ray française de l'éditeur ESC.

Maniac apparaît comme un film un peu maladroit. Certains plans sont tout de même marquants, comme celui qui voit d'avancer le tueur avec son chalumeau, derrière son casque de protection. Plus encore, ses accointances avec le film noir ne sont pas pour nous déplaire.

Disponibilité vidéo : Blu-ray FR - éditeur ESC
Blu-ray UK - éditeur Powerhouse / Indicator (sous-titres anglais uniquement)


Sources bibliographiques :

Coffret Blu-ray Hammer Volume One : Fear Warning! - éditeur Powerhouse / Indicator
Hammer Complete / Howard Maxford
Hammer Film, An Exhaustive Filmography / Tom Johnson, Deborah Del Vecchio
Hammer Films' Psychological Thrillers : 1950-1972 /  David Huckvale

* : Jimmy Sangster dans son livre Inside Hammer (2001).

Maniac (Michael Carreras, 1963) Image titre du film

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