Hurler de peur (Seth Holt, 1961)
Les films de la firme britannique Hammer restent dans l'histoire du cinéma pour leurs versions des Universal Monsters, aux couleurs vives, au décorum gothique et aux débordements sanglants. Le studio a néanmoins produit d'autres séries de films, certes pas aussi populaires mais non moins réussies : celle, par exemple, des thrillers tortueux à la Psychose, comme Traitement de choc (Val Guest, 1961), Maniac (Michael Carreras, 1961) ou encore Paranoïaque (Freddie Francis, 1963). Hurler de peur est l'un des tout premiers, et, affirmons-le sans détour, le meilleur.
Ann Todd et Christopher Lee dans Hurler de peur |
De toute la série des thriller à venir de la firme, Hurler de peur est celui chez qui l'influence des Diaboliques d'Henri-Georges Clouzot est la plus prégnante. La présence menaçante de l'eau, un père absent -sa disparition cache-t-elle un destin plus tragique que l'entourage ne souhaite le faire croire à sa fille revenue de Londres ? Qui dans ce carrousel des apparences, cache-t-il le mieux son jeu ? Jane Appleby (Ann Todd), la femme avec qui le père richissime s'est remarié ? Le Docteur Gerrard (Christopher Lee), très présent à la maison familiale ? À moins que ce ne soit l'affable chauffeur, Robert (Ronald Lewis, vu l'année précédente dans la production Hammer Traitement de choc), ou encore Penny Appleby (Susan Strasberg), notre héroïne en fauteuil roulant.
Il n'est pas facile de voir dans cette production une filiation avec ce qui faisait le sel des production Hammer jusqu'alors. C'est la lassitude de Jimmy Sangster pour l'horreur gothique, et la vision des Diaboliques donc, qui va faire naître cette série de thrillers au début des années 60. Le Vertigo d'Hitchcock (1958) n'y est pas étranger non plus. Le film constitue d'ailleurs la rencontre entre Boileau-Narcejac et Hitchcock après que le maître du suspense ait été si impressionné par Les Diaboliques (adapté du roman Celle qui n'était plus, des mêmes auteurs). Psychose sort le 15 septembre 1960 en Angleterre et marque durablement Jimmy Sangster, suffisamment pour l'encourager à poursuivre dans la créations de suspense à twists qu'il nommera "Mini-Hitchcock". Il apparaît cependant abusif de penser que le film ne serait une pâle copie de Psychose, produite dans l'écume du succès de son glorieux aîné ; En effet, le film est d'abord prévu au planning pour la fin de l'année 1959, Sangster ayant déjà rédigé une première version de l'histoire à cette période.
Susan Strasberg et Ronald Lewis - photo d'exploitation américaine |
Le scénario de Jimmy Sangster donne la part belle au suspense et sait mener sa barque jusqu'au final, sans s'éventer ou se perdre en chemin. Il reste aujourd'hui d'une grande force ; Les coups de théâtre du dernier quart d'heure sont efficaces. Christopher Lee dira d'ailleurs de ce film qu'il s'agit de la meilleure production Hammer dans lequel il ait joué : "le meilleur réalisateur, la meilleure distribution et le meilleur scénario". Sur la distribution, il n'y effectivement rien à redire, tant Susan Strasberg (fille de Lee et Paula), certes imposée par la Columbia, est convaincante ; elle apporte une modernité par son style de jeu très naturel. De même que Ann Todd, ambiguë dans le rôle de la belle-mère peut-être trop attentionnée. Reste Ronald Lewis dans le rôle du jeune premier, qui parvient à rester mystérieux sur ses intentions. Le reste de sa carrière n'a pas suivi, faite de hauts et de bas. Pourtant, il y a de la sincérité dans son jeu, une légèreté et une profondeur tourmentée ; son charisme fiévreux et tourmenté sied au genre de la plus belle manière. Il tournera un dernier film pour Hammer quelques années plus tard, Le Rebelle de Kandahar (John Gilling, 1965).
Jimmy Sangster et Susan Strasberg sur le plateau |
Une fois le tournage à Nice, Cap d'Antibes (dans la villa de la Garoupe au charme mystérieux) et Villefranche terminé, Seth Holt commence les prises de vues en studio à Elstree à partir du 8 novembre 1960. Elles se terminent le 7 décembre par la scène qui inaugure le film (la découverte d'un corps dans les eaux d'un lac de Suisse, illusion permise par une peinture sur verre réalisée par le grand Les Bowie, oscar des meilleurs effets pour Superman, le film (Richard Donner, 1978).
Matte painting réalisé par Les Bowie |
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Note : le Blu-ray UK propose le film au format 1.66:1, alors que l'édition française est au ratio 1.78:1 ; plusieurs sources concordantes indiquant un format respecté à 1.85:1... La version 1.66 de l'édition Indicator semble la solution la plus harmonieuse aujourd'hui.
Sources bibliographiques :
The Hammer Story / Marcus Hearn, Alan Barnes
Hammer Films' Psychological Thrillers : 1950-1972 / David Huckvale
Hammer Complete / Howard Maxford
Hammer Film, An Exhaustive Filmography / Tom Johnson, Deborah Del Vecchio
L'antre de la Hammer / Marcus Hearn
Coffrets Blu-ray Hammer Volume Four: Faces of Fear - éditeur Powerhouse / Indicator
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