Meurtre par procuration (Freddie Francis, 1964)

 
Meurtre par procuration (Nightmare, Freddie Francis, 1964) poster US

Dans la lignée de la vague des thrillers de la Hammer Film au début des années 60, Meurtre par procuration (Nightmare) trouve sa place. Produit et scénarisé par le chef d'orchestre de cet élan, Jimmy Sangster, le film est en effet une belle curiosité, loin des Dracula et autres Frankenstein, après le succcès de Hurler de peur (Taste of Fear / Scream of Fear, Seth Holt, 1961).

Ces "mini-Hitchcocks", toujours en noir et blanc, mettent en scène des thrillers à tiroirs, volontiers angoissants et ont un temps été une manière pour la Hammer de se diversifier, loin des histoires d'horreur gothiques inspirées des Universal Monsters. Pour ces thrillers, là aussi les sources d'inspiration  sont évidentes : Les Diaboliques (Henri-Georges Clouzot, 1955), et son scénario retors, tout comme Psychose (Alfred Hitchcock, 1960).

La jeune Janet vit dans un pensionnat ; elle est tourmentée par le destin de sa mère, enfermée dans un asile. De retour chez elle, elle est assaillie par des scènes cauchemardesques lui faisant revivre le méfait de sa mère...

Difficile d'en dire plus sans dévoiler la suite du scénario. Au-delà de cet incipit, la singularité du film est son déroulement en deux temps. En effet, on pourrait se satisfaire de la première partie comme d'un film entier. Pourtant, après une première résolution, le film poursuit sa narration... pour surprendre le spectateur, jusqu'au bout. La succession de surprises rivalise avec Paranoïaque, sortie l'année précédente, le premier films réalisé par Francis pour Hammer ; cependant ici, la tonalité est encore plus centrée sur la folie qui s'empare peu à peu des personnages. La pénombre nimbe la plupart des plans d'intérieur de la demeure qu'ils occupent, la faisant ressembler à une suite de couloirs et de portes qui enferment irrémédiablement les personnages, et mettent en image leur état psychologique.

Brenda Bruce et Jennie Linden dans Meurtre par procuration (Nightmare, Freddie Francis, 1964)
Brenda Bruce et Jennie Linden

Malgré la réussite formelle du film, la succession de retournements de situations nous détache finalement de l'histoire. D'autre part, La deuxième partie, même si elle relance le scénario, paraît répétitive, tant la même obscurité, les mêmes coins et recoins nous donnent la désagréable impression de ne pas avancer. Certes, le titre même du film (Nightmare, moins explicatif que sa traduction française) appuie cette dimension onirique, où la perte de repères se traduit par une mise en scène qui met à mal la représentation de l'espace.

Julie Christie devait à l'origine tenir le rôle de Janet ; elle préfèrera finalement jouer dans Billy le menteur (John Schlesinger, 1963), qui lancera sa carrière. Pour la remplacer, Freddie Francis et Jimmy Sangster choisissent Jennie Linden, dont la fragilité fonctionne bien pour le rôle. Le tournage a lieu du 17 décembre 1962 au 31 janvier 1963, aux studios de Bray, sous une épaisse couche de neige. Le titre de travail, Here's the Knife, Dear - Now Use It a rapidement été remplacé par Nightmare, laissant une impression plus diffuse, moins révélatrice du contenu du scénario. Meurtre par procuration sort à Londres en avant-première le 19 avril 1964, assorti du désormais habituel classement X pour un Hammer Film ; il est présenté en double programme avec L'Empreinte de Frankenstein, aussi dirigé par Freddie Francis, en tant que film de complément. Le public américain découvrira le film quelques mois plus tard.

La mise en scène est composée de plans très travaillés, de solides contrastes et des déformations volontaires liées au format Scope, et rappellent tout à fait le film de Robert Wise, La Maison du diable (The Haunting), sorti quelques mois avant Meurtre par procuration. Les Innocents (Jack Clayton, 1961), photographié par Freddie Francis, a également une réelle parenté avec Nightmare, par l'ambiance éthérée que les films partagent, mais aussi par la présence de l'actrice Clytie Jessop, qui joue finalement un rôle assez similaire dans les deux films. Quelques années plus tard, elle fera d'ailleurs sa dernière apparition au cinéma dans un autre film réalisé par Freddie Francis pour le compte de la Amicus, une firme concurrente de la Hammer : Le Jardin des tortures (Torture Garden, 1967). Si le casting n'est pas composé des habituels acteurs et actrices de la firme, ils n'en sont pas moins talentueux et proposent une galerie de visages très convaincants. Par contre, l'équipe technique est bien au rendez-vous, que ce soit Don Banks à la musique (Le Fascinant capitaine Clegg, Dans les griffes de la momie, ...), Roy Ashton aux maquillages, ou encore le décorateur Bernard Robinson. Tous de solides artisans, tant Meurtre par procuration n'a rien à se reprocher techniquement. Il reste néanmoins un film méconnu, qui réserve de bons moments de tension malgré une structure répétitive.


Disponibilité vidéo : Blu-ray zone B FR - éditeur : Elephant Films

Sources bibliographiques :

The Hammer Story / Marcus Hearn, Alan Barnes
Hammer Films' Psychological Thrillers : 1950-1972 /  David Huckvale
Hammer Complete / Howard Maxford
Hammer Film, An Exhaustive Filmography / Tom Johnson, Deborah Del Vecchio
Suppléments du coffret Hammer volume 6 : Night Shadows - éditeur Powerhouse / Indicator


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