Le Corbeau (Roger Corman, 1963)

Affiche du film Le Corbeau (The Raven, Roger Corman, 1963)

 

Après le succès de L'Empire de la terreur, la voie est toute tracée pour un nouvelle adaptation d'Edgar Poe par Corman et American International Pictures. Encouragé par la voie comique du segment central de L'Empire de la terreur, l'équipe va lâcher la bride du sérieux et faire de cette adaptation du Corbeau une véritable farce. 

L'un des problèmes récurrents des adaptations de Poe refait surface : adapter Le Corbeau en long-métrage relève d'une gageure tant le poème est court. Rochard matheson, le scénariste, en prend tout de suite la mesure et, partant de la situation initiale telle que présentée dans le poème (un corbeau qui parle rend visite visite à un homme dévasté par la disparition de son épouse, invente tout autre chose. Premier changement : le ton, préférant la comédie au le romantisme gothique. Puis, tout le développement de l'histoire, qui veut que Craven (Vincent Price) et Bedlo (Peter Lorre), deux magiciens, aillent rendre visite à un troisième, Scarabus (Boris Karloff), dans le but de le combattre. Nous croisons également dans le film le film de Bedlo (joué par un jeune Jack Nicholson), la fille de Scarabus, ainsi que la femme de Craven (Hazel Court, déjà présente dans L'Enterré vivant), bien vivante mais désormais maîtresse de Scarabus.

Le scénario, déjà comique, verse dans la farce totale sur le plateau, le trio d'acteurs réécrivant au fil de l'eau leurs répliques, improvisant avec la bénédiction de Corman. Les échanges entre Vincent Price et Peter Lorre sont savoureux de spontanéité. Lorre, transformé en corbeau puis revenu à sa forme humaine, amateur de nourriture et de bon vin, a l'air constamment soûl. Karloff, appartenant à une génération d'acteurs plus classique, sera décontenancé par Lorre. C'est la deuxième fois qu'il tient un rôle dans une adaptation du Corbeau de Poe. Dans la version de 1935, il côtoie Bela Lugosi au casting du film réalisé par Lew Landers. Le décor du château, déjà vu dans d'autres opus du cycle Corman / Poe, est majestueux. Corman et Haller (chef décorateur) apprécieront cet opus comme le plus travaillé sur l'aspect de l'image. 

Le film marque une rupture totale avec le reste du cycle, répondant aux aspirations du réalisateur, du scénariste, mais aussi à celles de l'AIP et des acteurs. Avec Lorre, Price et Karloff, le budget grossit jusqu'à 350 000 dollars, une première pour Corman. Le film remporta un grand succès, validant la direction prise. 

Soyons clairs : le film a beaucoup vieilli aujourd'hui, notamment par son rythme. Le morceau de bravoure du métrage, la bataille des sorciers, est bien trop longu et agrémenté d'effets terriblement datés. Il est cependant très intéressant de noter que la même année, les studios Disney sortent Merlin l'enchanteur (The Sword in the Stone, Wolfgang Reitherman) qui se conclue également par un duel de sorcellerie qui comporte certaines similitudes avec celui du Corbeau. Le développement très long du film Disney (les droits du récit d'origine ont été acquis en 1939, le film débutant son tournage vers 1960) exclut cependant tout influence d'un côté comme de l'autre.

Plus que l'impression daté que peut laisser le film, on l'appréciera toujours pour la réunion de ses talents, qui se sont beaucoup amusés sur le tournage. Un tournage d'ailleurs terminé en avance, d'où l'idée de Corman de réutiliser le décor (et certains acteurs) - sans pour autant en avertir les producteur chez AIP- pour ce qui donnera un film très étrange, L'Halluciné.  


Disponibilité vidéo : Blu-ray / DVD FR zone B - éditeur : Sidonis

Sources bibliographiques :
Roger Corman, Edgar Allan Poe : les démons de l'esprit / Marc Toullec, 2022
L'Écran Fantastique Vintage n°14 : Roger Corman, un talent monstre / Frédéric Pizzoferratto, 2023

 

Image titre du film Le Corbeau (The Raven, Roger Corman, 1963)

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